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Paris - Compte-rendu : Boccanegra, l’impossible retour


On avait annoncé des changements significatifs dans la production du Simon Boccanegra de Johans Simons. C’était faire par avance crédit à un metteur en scène qui s’est réfugié pour ceux-ci derrière son nouveau costumier. Philippe de Saint Mart Guilet, malgré tout le talent qu’on lui connaît, n’a pas pu, avec ses nouveaux habillages nettement plus colorés et délicatement coupés, sauver l’absence chronique de ce qui reste pour l’heure le spectacle le plus creux, le plus vain de l’ère Mortier. Même si il y ajoute une touche de ridicule assez salvatrice : il faut voir Amelia dans sa sortie de bain, avec ses chaussons à fourrure synthétique, tombant nez à nez avec son Gabriele. Ah, rire dans un tel désert, quel luxe ! Pour le reste, passez votre chemin, le vide engendre l’ennui. Et le retournement de l’estrade pour le troisième acte garde toute sa force de maxime morale : le derrière de rien, c’est rien.



On revenait à ce Boccanegra pour une distribution alléchante, mais qui s’est révélée trop exotique. Selig, aussi admirable que soit son chant, peine terriblement pour le style comme pour l’italien et à vrai dire son Fiesco manque souvent de ressort dramatique, trop noble, trop univoque. Hvorovstovsky, même si il campe parfaitement le monstre politique passe absolument à coté du message humaniste et de la tendresse paternelle de Boccanegra. Mais l’incarnation est saisissante, pleine d’autorité, même si la voix garde cette impossibilité à trouver des couleurs libres pour l’aigu et accuse un morcellement du vibrato qui lui fait confondre accents avec phrasés. Qu’est-il arrivée à Olga Guryakova, vue pourtant en belle forme à Nantes pour sa Jenufa voici peu ? Elle ne peut plus chanter cinq mesures sans reprendre souffle, la ligne est absolument détruite, la justesse souvent mise à mal dans les ensembles, les trilles hiératiques, et cerise absolue, elle ne prononce plus un mot. Ce chant des voyelles incertaines déconcerte. Fatigue ? Il faut espérer que ce n’est que cela.

Ferrari assez hautain et sinistre en Paolo, convaincant d’un bout à l’autre, peut-être pas assez mordant et venimeux, mais son italien irréprochable était un havre, tout comme celui de Stefano Secco qui a les exacts moyens de Gabriele et chante avec cet art parfait de conduire sa voix parfois au-dessus de ses possibilités, mais avec un engagement sidérant. Comme l’année dernière le public lui a fait une ovation. Comprimari excellents comme toujours à l’Opéra où Mortier fidélise des seconds rôles qui commencent à constituer un vivier d’importance : Jason Bridges qui met à son Hérault son ténor si haut et si timbré, Nicolas Testé virulent et tranchant en Pietro et en fosse le retour très heureux de James Conlon qui dirige le premier degré du drame avec hargne, et prend le contre-pied de la lecture si fouillée, si sombre, quasi moussorgskienne, proposée la saison dernière par Sylvain Cambreling. Entre ces deux conceptions aussi abouties l’une que l’autre on est bien incapable de trancher.

Jean-Charles Hoffelé

Opéra Bastille le 13 avril, puis les 17, 20, 24 et 26 avril et les 6 et 10 mai 2007

Programme détaillé de l’Opéra Bastille

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Photo : Opéra de Paris / Eric Mahoudeau

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