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Paris - Compte-rendu : Ali Hirèche en récital - Ferveur poétique


Pour ceux qui avaient eu l’occasion d’entendre le récital d’Ali Hirèche à Cognac dans le cadre du Festival Piano en Valois 2005, les excellentes impressions laissées par le jeune pianiste français se sont totalement confirmées lors de sa récente apparition sur la scène de l’Archipel.
Mais en l’espace de deux ans son art a beaucoup mûri aussi et, dans cette évolution, il faut sans nul doute lire la positive influence d’Aldo Ciccolini qui, depuis plusieurs mois, suit avec attention l’évolution de l’artiste.

Doté de moyens pianistiques peu communs, Ali Hirèche est néanmoins tout le contraire du broyeur d’ivoire. La poésie le guide plus que toute chose et dès l’attaque de la Ballade n°1 un art de conteur s’impose. Quel bonheur pour le critique qui a subi tant de fois la Ballade n°1 entamée façon « je suis prêt pour la cavalcade, regardez bien mes jolis doigts m’sieurs dames ! », que d’entendre un interprète dire « il était une fois »… L’essence rhapsodique de l’opus 23 est pleinement comprise – sans que liberté rime avec licence - : Ali Hirèche prend le temps, respire – pour chanter, pour parler aussi -, sculpte le son, et déploie une vaste palette sonore sur le beau Fazioli qu’il touche. Rien de gratuitement virtuose ou de maniéré dans ce Chopin pourtant, mais une sobriété et une profonde virilité dans lesquelles le jeune interprète instille avec tact une part d’amertume – amère fierté : la formule pourrait résumer ce Chopin. Là, comme dans les trois Nocturnes op 9, il fait entendre une voix singulière dans des compositions archi-rebattues (quelle merveilleuse façon de traiter la partie centrale du Nocturne en si majeur). La Polonaise-Fantaisie conclut la première partie. Une page tardive et complexe que le pianiste comprend et unifie avec une noblesse du sentiment, un profond sens narratif et une technique souveraine mais dénuée de toute arrogance.

Ces mots valent aussi pour les Variations Paganini de Brahms données ensuite. Très peu de pianistes débutants ou célèbres s’aventurent au concert dans ce cycle bourré de chausse-trapes. Ali Hirèche s’en joue avec une facilité déconcertante et enchaîne les deux cahiers sans jamais céder à l’effet, au clinquant. Tension, détente : le pianiste saisit la logique et l’équilibre internes de l’ouvrage – les silences qu’il lui arrive de s’autoriser entre deux variations en disent long à ce sujet... Il sait placer l’auditeur dans une incessante attente, chaque nouvelle variation devient surprise, motif d’émerveillement. On est saisi et emporté par le torrent de l’inspiration brahmsienne. Magistral !

Alain Cochard

L’Archipel(75010-PARIS), 25 janvier 2007.

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