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Pantraguel à l’Athénée - Les sons inouïs de Rabelais - Compte-rendu

Il faut bien ranger les choses à un endroit ou à un autre : le Pantagruel de Benjamin Lazar est donc classé à la rubrique « théâtre » de la riche saison de l’Athénée. Soit, mais il y a la musique de Rabelais, torrent formidable qui charrie la vie tout entière. « Lire Rabelais à voix haute, c’est d’abord un réveil de sons inouïs que l’on provoque », dit le metteur en scène à propos d’une langue « savante et charnelle ». Restait à trouver un comédien aux épaules assez larges, au tempérament assez exceptionnel pour non seulement dire, mais vivre, dévorer ces pages étonnantes.

Olivier Martin-Salvan(photo) est l’homme de la situation, euphémisme ; l’ogre éblouissant par qui triomphe un spectacle aussi sobre qu’intelligemment construit (bravo à Adeline Caron qui signe la scénographie et les costumes, Julia Brochier lui prête son concours pour ces derniers, et à Pierre Peyronnet pour les lumières). Saisissante et jouissive expérience que celle offerte par Martin-Salvan, alias Alcofrybas Nasier, s’emparant de la langue de Rabelais, de sa «crudité juste » comme disait Céline, notre autre toubib-écrivain venu quatre siècles après l’auteur de Gargantua semer une géniale zizanie dans les lettres françaises !

Avec Benjamin Bédouin (cornets et flûtes), et Miguel Henry, (luth et guitares), la musique (imaginée par David Colosio), est également présente, écho complice, dissonance moqueuse ou accompagnement façon néo-temps jadis, et offre d’opportuns moments de respiration au spectacle. « C’est nécessaire de faire entendre cette langue française si riche, c’est presque faire de l’éducation civique ! », déclare Olivier Martan Salvan. On ne peut que l’approuver. Il faudrait que la télévision publique, si elle avait un tant soit peu de courage et d’imagination, diffuse ce spectacle en prime time, comme l’on dit désormais en bon français. Bénéfice collatéral de l’opération, cela vitrifierait net pas mal de pseudo-humoristes qui sévissent aux frais du contribuable.

Parents, si vous voyez vos ados tout matagrabolisés en leur esprit(1) par l’addiction à fessebouc, aux consoles de jeux et peut-être aussi - hélas… - par les mornes dissections que le système éducatif inflige aux plus belles pages de notre littérature, pas une hésitation : entraînez-les sans plus attendre à l’Athénée ! Il est des spectacles qui peuvent provoquer des déclics ; le Pantagruel de Benjamin Lazar est de ceux-là, de ceux qui apprennent aimer.

Quant à la suite de la programmation de l’Athénée, après Pantin Pantine, conte musical de Romain Didier (du 6 au 8 décembre), La Grande Duchesse débarque (du 12 décembre au 5 janvier). Concertclassic est allé découvrir il y a peu à La Rochelle ce nouveau spectacle des Brigands (2), une libre appropriation de La Grande Duchesse de Gerolstein d’Offenbach (avec Isabelle Druet dans le rôle-titre et dans une mise en scène futée de Philippe Béziat). On vous en reparlera le moment venu. Une certitude : les choses s’annoncent pour le mieux !

Alain Cochard

(1) abrutis, dans la langue de Rabelais.
(2) Le 6 novembre à La Rochelle (La Coursive). Après les représentations parisiennes, le spectacle partira en tournée durant le mois de janvier (Saint-Dizier, Saint-Nazaire, Quimper, Blagnac, Périgueux, Le Perreux).

« Pantagruel »
Jusqu’au 30 novembre 2013
Athénée- Théâtre Louis Jouvet
www.athenee-theatre.com

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Photo : Nathaniel Baruch
 

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