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Ouverture du Festival Présences - Le son au-delà des apparences - Compte-rendu
Après trois éditions consacrées à l’exploration d’une aire géographique (l’axe Paris-Berlin, les Amériques, l’Italie), le festival de création musicale de Radio France renoue avec l’une des traditions établies au long de ses vingt-six éditions : celle de l’hommage à un compositeur majeur de notre temps.
Comme avec Berio, Kagel, Xenakis, Henze ou encore Pascal Dusapin, il y a de quoi faire avec la Finlandaise Kaija Saariaho, invitée de ces 27e « Présences ». Ce ne sont en effet pas moins de vingt-six œuvres que le festival a extraites du riche catalogue de la compositrice : œuvres de tout format et pour toutes les formations, du soliste au grand orchestre en passant par la musique de chambre et les pages pour ensemble, avec ou sans voix, avec ou sans électronique.
Kaija Saariaho © Maarit Kytöharju
Le concert d’ouverture, avec deux œuvres déjà anciennes (composées respectivement il y a plus de vingt et plus de dix ans), souligne l’une des qualités essentielles de la musique de Kaija Saariaho : sa lisibilité, sa facilité à se laisser accueillir quand bien même l’écriture en serait complexe. Les œuvres de Kaija Saariaho, et notamment celles de grande envergure par la durée et l’effectif, peuvent aisément s’approcher dans leur globalité. L’attention méticuleuse à l’harmonie autant qu’au timbre créent une musique très architecturée, faite de vides et de pleins, de lumière et d’ombre, de sourd et d’irradiant. Graal Théâtre, concerto pour violon et orchestre écrit pour Gidon Kremer en 1994, fait partie de ces œuvres qui créent leur propre forme, leur propre espace acoustique ; les timbres de l’orchestre, en se densifiant peu à peu, influent sur la perception que l’on a des métamorphoses rythmiques du violon conduites avec beaucoup d’engagement par Jennifer Koh.
On retrouve le goût pour la matière sonore – l’opaque et le transparent – dans Adriana Songs (2006), cycle de mélodies dérivées du deuxième opéra de Kaija Saariaho, Adriana Mater (2005), ici vaillamment porté par la mezzo Nora Gubisch. La compositrice répond à la langue d’Amin Maalouf, faite d’allers-retours entre l’aérien et le terrestre, par une musique nébuleuse d’où ressortent les appels des vents.
La direction ample, dramatique et énergique de Dima Slobodeniouk (photo), et la précision de l’Orchestre Philharmonique de Radio France donnent une dimension spectaculaire aux deux œuvres. Entre les deux, l’univers sonore est bien différent avec la création de Denkklänge de Raphaël Cendo (né en 1979). Saturée d’idées sonores, l’œuvre s’épuise à force de vouloir redoubler toujours d’énergie – et ne retrouve pas la force fulgurante de partitions plus concises (comme Tract pour ensemble ou Furia pour violoncelle et piano). Denkklänge s’apparente finalement plus à un recueil de pensées sonores qu’à une œuvre ayant trouvé sa forme. Toujours est-il que la mise en regard des esthétiques de Kaija Saariaho et Raphaël Cendo, certes éloignées mais qui partagent le désir d’aller au-delà des apparences du son, est une belle idée de programmation. C’est par ces tensions que se révèle la richesse de la création musicale.
Jean-Guillaume Lebrun
Paris, Maison de la Radio, vendredi 10 février 2017 / Festival Présences jusqu’au 19 février : www.maisondelaradio.fr/page/festival-presences-portrait-de-kaija-saariaho-du-10-au-19-fevrier-2017
Photo © dimaslobodeniouk.com
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