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Otello à l'Opéra de Marseille - "Regarde, tout Chypre est en fête !"- Compte-rendu
Qu'on excuse un titre en forme de provocation : ce clin d'oeil vipérin à la situation actuelle, c'est Iago qui nous l'adresse, au début de l'opéra. Rien, pourtant, dans la mise en scène hors d'âge de Nadine Duffaut, n'évoque une quelconque actualité. Faut-il s'en réjouir ? On échappe certes aux treillis et jeans baggy que les scènes lyriques n'ont que trop banalisés, mais c'est pour retomber dans l'ornière du costume pseudo-renaissant, générique (tout le monde en gris, sauf Othello, qui, bien sûr, est en rouge), des défilés bannières au vent, des épées brandies (risible entrée du Maure) et des apartés mélodramatiques.
Otello n'avait plus été donné à Marseille depuis vingt-cinq ans - époque à laquelle aurait pu voir le jour une telle scénographie qui, bien évidemment, n'effarouche pas le public, lequel jubile à l'unisson des Chypriotes... Précisons tout de même que cette production, montée en partenariat avec Orange, semble avoir été pensée pour la vaste arène des Chorégies, par une metteuse en scène qui en est désormais familière : d'où la volontaire uniformité des tenues (permettant de repérer, de loin, les protagonistes), la grandeur écrasante des décors (une halle de béton derrière laquelle, à l'Acte II, se devine le frémissement des lauriers) et l'embarras du choeur, tassé ici dans un écrin trop étroit (ce qui n'empêche pas les décalages). Et reconnaissons à Nadine Duffaut une certaine habileté dans le maniement des masses.
La distribution, elle aussi, fourbit ses décibels en vue du plein air : tonitruant, le Iago du Coréen Seng-Hyoun Ko qui, à l'Acte I, brame uniformément un rôle pour lequel Verdi exigeait pourtant la nuance mezza voce, "à part quelques éclats" ! Le baryton s'affine heureusement ensuite, jusqu'à un "Era la notte" presque élégant, mais on se pose tout de même des questions sur sa compréhension de l'italien... Le cas de Vladimir Galousine est différent : car existe-t-il aujourd'hui d'autre Otello envisageable ? Certes, la subtilité n'est pas non plus son fort et le timbre, peu méditerranéen, peut sembler monochrome. Mais l'on ne connaît pas d'autre ténor doté d'une telle homogénéité, d'un grave d'airain (le "sterminator" du duo avec Iago) à un aigu sombré, couvert, jamais "en arrière" ni détimbré, dans la lignée d'un Vinay davantage que d'un Del Monaco. En Desdemona, Inva Mula déçoit d'abord, faute, au contraire, d'un bas-médium affermi et d'un phrasé plus large, dans le duo de l'Acte I ; mais la sensualité des lignes et la grâce des nuances font rendre les armes à l'Acte IV.
Chez les seconds rôles, on notera les bonnes prestations de Doris Lamprecht (Emilia) et de Jean-Marie Delpas (Lodovico), comme les insuffisances des ténors (Sébastien Droy campe un Cassio fort joli mais presque inaudible). Direction solide, concentrée, souvent puissante et expressive (fins des Actes II et III) bien que manquant de finesse de Friedrich Pleyer, à la tête d'un Orchestre de l'Opéra de Marseille perfectible (redoutables, les trompettes des ambassadeurs !). D'enthousiastes applaudissements sanctionnent une production qui devrait davantage convaincre à Orange, en 2014.
Olivier Rouvière
Verdi : Otello – Marseille, Opéra, 27 mars, prochaine représentation le 5 avril 2013. / www.opera.marseille.fr
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Photo : DR
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