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Orchestre de Paris - Deux pianistes pour une rentrée - Compte-rendu


Une Ouverture du Corsaire pleine de tonus : les musiciens de l’Orchestre Paris attaquent la rentrée avec une belle ardeur. Au point même que Paavo Järvi peine un peu à fédérer les enthousiasmes individuels lors de ce premier concert de la saison. Impression validée le lendemain lors de la ré-audition de l’ouvrage de Berlioz par les mêmes, cette fois dans une interprétation bien plus concentrée.

On est en effet revenu le lendemain à Pleyel car le programme inaugural de la phalange, doublé comme toujours, avait cette année l’originalité de présenter un ouvrage concertant et un soliste différents pour chaque soirée : le 1er Concerto de Chopin par Jan Liesecki (photo) d’abord, puis le Second, toujours du Polonais, par Katia Buniatishvili.

On comprend d’autant mieux le choix de l’Orchestre Paris et P. Järvi quand l’on sait que parallèlement à leurs concerts de rentrée ils enregistrent pour Sony les deux fameux opus de Chopin avec Katia Buniatshvili. Autant dire que c’est « dans les marques » de sa collègue géorgienne que le jeune Canadien (16 ans) interprète le 1er Concerto. Liesecki avait d’ailleurs déjà joué cet ouvrage à Auvers-sur-Oise en version chambriste (avec le Quatuor Ebène) en juin 2009 ; le festival dirigé par Pascal Escande ayant été le premier en France à inviter le pianiste à la tignasse blonde. Si Liesecki est un virtuose et un musicien étonnant, c’est d’abord un poète du clavier, un véritable artiste. Quelques problèmes de calage avec l’orchestre dans le premier mouvement, un accident de mémoire – d’ailleurs « géré » avec un sang froid remarquable ! -  à la fin du second mouvement ? Oui, et alors, n’est pas ça aussi le concert ? On en tout cas vécu un passionnant moment avec un interprète qui a l’âge de la musique qu’il joue. Dans une partition trop souvent « lisztianisée » par des virtuoses bruyants et pressés, Liesecki souligne l’empreinte du style brillant avec un charme, des choix expressifs très personnels et, surtout, un émerveillement irrésistible.

Le lendemain, Katia Buniatishvili (26 ans) s’attaque au Concerto en fa mineur avec l’aisance d’une interprète déjà rompue à l’exercice du concert. Liesecki n’est certes plus un débutant, mais on peut se demander s’il n’eût pas été plus judicieux de confier la soirée inaugurale, avec la « pression » qui l’accompagne inévitablement, à la pianiste géorgienne…
En tout cas, l’interprétation qu’elle signe du l’Opus 21 se distingue par sa fluidité ailée et son refus de tout pathos, au point que la partie centrale du Larghetto manque d’un peu de drame et de tension. Mais impossible de bouder son plaisir face à un jeu aussi maîtrisé et abouti.

En seconde partie, Paavo Järvi a choisi un cheval de bataille de la littérature orchestrale : la Cinquième de Beethoven. Approche vivante, preste, nerveuse, débarrassée des scories de la tradition, dans la lignée de ce que l’on connaît déjà du maestro estonien chez cet auteur. On peut imaginer vision plus orageuse de la Symphonie en ut mineur ; il reste que l’énergie et la cohérence d’une conception qui concilie maîtrise et instinct ont de quoi séduire.

Alain Cochard

Paris, Salle Pleyel, les 14 et 15 septembre 2011.

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Photo : Andras Schram

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