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Offenbach symphonique en mode MAO – Quand la curiosité musicale et l’informatique font cause commune

Chef d’orchestre et musicologue, Jean-Christophe Keck est l’un des plus grands spécialistes mondiaux de Jacques Offenbach, compositeur auquel il consacre depuis trois décennies l’essentiel de son activité.(1) Rien d’un hasard si l’éditeur Boosey & Hawkes lui a confié en 1999 la direction de l’édition monumentale de la musique de l’auteur d’Orphée aux enfers.(2) J.-C. Keck ne cache pas avoir jadis rêvé de réaliser une intégrale discographique de l’œuvre de son auteur fétiche. 650 numéros d’opus ... : un « projet pharaonique », auquel il renonça faute de mécène ... 
 

Jean-Christophe Keck © Isabelle Delfourne

Le Trésor à Mathurin (1853), ouverture :
www.youtube.com/watch?v=NnmKk7JKmAg

Sa passion pour la musique d’Offenbach n’a pas pour autant faibli, elle s’est seulement concentrée sur la dimension symphonique de sa création. « Offenbach est un compositeur lyrique, doué d’un merveilleux sens mélodique, mais c’est un grand orchestrateur aussi, souligne J.-C. Keck. »
Ce dernier avait d’ailleurs pris la baguette il y a une vingtaine d’années pour un séduisant programme « Ballade symphonique – Volume I » (Universal) avec l’Orchestre de Montpellier. Un début qui n’a hélas pas connu de suite ... jusqu’à ce que les progrès de l’informatique ne viennent en aide à notre musicologue. « Ces derniers temps, confie-t-il, j’ai découvert des logiciels qui, vraiment, ont fait un bon énorme dans la restitution de la partition car ils comportent une part d’intelligence artificielle. Ça ne remplace pas et ça ne remplacera jamais l’exécution par un orchestre – avec la part humaine, sensible, qui la caractérise – mais ça offre une très belle base documentaire ».
 

Offenbach à New York en 1876 © Collection Jean-Christophe Keck

Faute de pouvoir enregistrer avec orchestre, J.C. Keck, aidé par quelques associations et mécènes, mais aussi par l’éditeur Boosey & Hawkes, a commencé à réaliser la musique symphonique d’Offenbach en MAO (Musique Assistée par Ordinateur). Différentes pièces sont déjà disponibles, mais il reste beaucoup de travail à accomplir, d’abord avec foultitude d’ouvertures parmi lesquelles ont trouve parfois plusieurs versions (c’est le cas pour Les Deux aveugles : celle de la création et une mouture définitive, plus longue et plus fournie, que le compositeur, fort du succès de son ouvrage, élabora peu après.). 

Les Deux aveugles, ouverture (version originelle) :
www.youtube.com/watch?v=xhNiA7C4R6o
 
Les Deux aveugles, ouverture (version définitive)
www.youtube.com/watch?v=sZJd66-6Om0

Le projet Offenbach en MAO ne se réduit toutefois pas aux ouvertures et embrasse aussi les entr’actes, ballets et mélodrames. « Offenbach, qui a sans doute beaucoup appris en ce domaine à l’époque où il a dirigé la musique à la Comédie Français, excelle dans le mélodrame, constate J.-C. Keck; il sait vraiment créer des ambiances. Le Pont des soupirs, par exemple, comporte de très beaux mélodrames. »

Jardin turc, suite de valses pour grand orchestre (1841)
www.youtube.com/watch?v=B6YcLHsnXjQ

Les découvertes le musicologue nous propose déjà et celles, nombreuses, qu’il nous prépare s’appuient trois décennies de recherches. Durant ces quatre dernières années, il a travaillé dans une branche de la famille Offenbach et a numérisé près de ... 20 000 pages manuscrites ! Ces trouvailles contribueront à documenter des aspects très rares de la production du « Petit Mozart des Champs-Elysées ». C’est le cas pour la musique de danse écrite durant ses années de jeunesse – Jardin turc par exemple, une délicieuse suite de valses pour grand orchestre datée de 1841 – ou encore avec des orchestrations d’autres compositeurs, telles ces mélodies de Schubert (dans des arrangements entièrement instrumentaux) qu’Offenbach programmait lors des concerts en matinée au Français. La musique concertante ne sera pas non plus négligée ; un domaine « où l’on trouve d’intéressantes pièces pour violoncelle et orchestre, signale J.-C. Keck. » Des raretés qui viendront utilement compléter le fringant et virtuosissime Concerto militaire, déjà bien servi par le disque.

Pour l’heure, laissez tomber toutes les préventions que l’acronyme MAO et l’intrusion de l’informatique dans la restitution d’une partition pourraient faire naître en vous et courrez découvrir des réalisations pour le moins ... bluffantes !

Alain Cochard

(1) Autre auteur cher au cœur de Jean-Christophe Keck, Roger Roger (1911-1995) fait également l’objet d’un projet en MAO : www.jean-christophekeck.com/1/roger_roger_en_mao_1459763.html

(2) www.offenbach-edition.com/

Offenbach symphonique :
www.jean-christophekeck.com/1/offenbach_symphonique_1457314.html

Photo J. Offenbach © Fonds Leduc

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