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​Nicolas Stavy en récital à la Bibliothèque nationale de France – Richard deviendra Strauss – Compte-rendu

Plusieurs partitions inédites ont été proposées à la curiosité des auditeurs à la Bibliothèque nationale de France dans le cadre de sa 2e Saison musicale européenne. Elle n’est d’ailleurs pas encore terminée puisque, le 19 juin à Richelieu (1), un dernier concert réunira Jérôme Guichard et Aline Piboule, qui interpréteront aux côtés de pages de Saint-Saëns, Poulenc et Szatowski une Sonatine pour hautbois et piano de Dutilleux, œuvre de jeunesse dont le manuscrit a été acquis par la BnF en 2020, tout comme celui d’Au gré des ondes (charmant recueil de six miniatures excellemment enregistré il y a peu par Vincent Mussat (2)), au programme également.
 
C’est vers l’Allemagne que se tournait le précédent rendez-vous de la série : un récital de Nicolas Stavy comprenant les Douze variations en ré majeur de Richard Strauss, un inédit dont la BnF vient d’éditer le facsimile du manuscrit.(3) L’auteur n’a que 14 ans lorsqu’il compose un cycle où l’on ne trouve rien encore de l’esthétique à laquelle nous rattachons désormais le compositeur du Rosenkavalier. La partition est construite à partit d’un thème plutôt tendre et naïf, au parfum schumanien, qui regarderait du côté de l’Album pour la jeunesse, nullement de celui des Papillons op. 2, que Nicolas Stavy offre en ouverture de programme, choix justifié par la présence du manuscrit de Schumann (avec le titre orthographié Pappillons ! ) à la BnF. C’est bien plutôt du côté des variations de Mozart et de celles de Beethoven, jusqu’aux Eroica rien au-delà, qu’il faut chercher des influences. La découverte n’est sans doute pas essentielle mais indéniablement savoureuse, d’autant que Nicolas Stavy en offre une interprétation pleine d’étonnement et de vie.
 
Outre la tonalité –  ré majeur, ré mineur – la forme variation tient lieu de fil conducteur d’un récital qui comprend aussi les Variations en ré mineur op. 18b de Brahms, adaptation du mouvement lent du Sextuor à cordes op.18 : quel dommage que ne soit pas plus souvent donné cet arrangement pour clavier se dit-on en l’entendant se déployer, avec autant de noblesse dans le lyrisme que de fermeté et d’évidence dans le déroulement. Autre climat avec les Variations sur un thème original en ré majeur op. 21/1 ; « Variations philosophiques » disait Brahms d’une pièce écrite à 23 ans. Stavy sait montrer, avec autant de justesse dans la caractérisation que de tact dans les enchaînements, combien tout y procède de l’harmonie.

La Chaconne en ré mineur de la Partita BWV 1004 de Bach, transcrite pour la main gauche par Brahms (à l’intention de Clara Schumann), suit de façon très cohérente et conclut. On n’a pas entendu interprétation aussi inspirée de cette pièce depuis très longtemps. Pas une crispation au terme d’un programme pourtant exigeant techniquement ; par l’intelligence de la pédalisation, la variété des attaques, le clavier de Nicolas Stavy se fait archet et relance continûment le propos. Le public ne s’y trompe pas et son enthousiasme est gratifié, en bis, du Divertissement à la hongroise de Schubert, d’une poésie et d’un style admirables.

 
Alain Cochard

 Paris, Grand Auditorium de la Bibliothèque François Mitterrand, 26 mai 2023
  

(1) www.bnf.fr/fr/agenda/saint-saens-poulenc-dutilleux
 
(2) 1CD Scala Music SMU008 ( +Ravel : Gaspard de la nuit & Dutilleux : Sonate pour piano)
 
(3) editions.bnf.fr/richard-strauss

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