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Nantes - Compte-rendu : Le Comte Ory revient


On voit peu sur les scènes hexagonales Le Comte Ory, en vérité, juste après le Viaggio notre Rossini comique favori. En fait plus guère depuis le revival assez peu inspiré signé Jérôme Savary en 1997 pour le Festival de Glyndebourne qui se fit l’avocat indéfectible de la partition. Ceux qui n’ont pas fait le voyage à Nantes auront manqué une production certes divinement iconoclaste, Ory, saoul, tombe sous sa croix dés son entrée, ermite de la bouteille plutôt que du chapelet, mais aussi poétique en diable – le gynécée avant l’orage - ; car il y a dans Le Comte Ory comme dans Le Barbier ou dans Cenerentola un orage dont l’orchestre de Rossini fait ses délices. Décors très simples et pratiques, lumières raffinées, et costumes somptueux ; en fosse un orchestre crépitant, respectant exactement le nombre restreint d’exécutants voulu par Rossini qui lorgne sans vergogne ici sur le modèle mozartien, mené sur les pointes par l’excellent Giuseppe Grazioli, et coup de tonnerre supplémentaire, cinq prises de rôles pour les emplois principaux qui font une distribution aux petits oignons.

Car il faut savoir marier les timbres pour cet opéra plus subtil que son livret : Rossini y réemploie l’essentiel des plus belles pages de son Voyage à Reims, et l’écriture est corsée pour Isolier, le Comte et la Comtesse. Luciano Botelho (photo), qui a toutes les armes pour dominer la virtuosité du rôle, se garde d’en surcharger vocalement le travestissement bouffe qui fait le sel du deuxième acte. Il sauve le rôle de la caricature qu’en avait proposée Sénéchal, trop abonné à Platée. La vocalise est aisée, les notes hautes moins brillantes que chez Florez mais placées dans un joli clairon, et le français exemplaire, rehaussé d’une pointe d’accent.

C’est d’ailleurs la vertu principale – mais pas unique – d’un cast difficilement perfectible : on n’avait pas besoin des surtitrages. L’Isolier très Cherubino d’Anna Destraël enchantait par sa fronde mutine et sa sensualité aventureuse - la coucherie à trois du second acte la montrait en grande voix, dominant le trio - la Comtesse Adèle de Pascale Bertin, idéale de timbre et vocalisant avec passion ne lui cédait en rien. Les clefs de fa, percutantes et très stylées faisaient merveille, avec une mention spéciale au Gouverneur de Nicolas Courjal. Tous mettaient en scène ce théâtre désopilant que Scribe n’avait probablement pas escompté et que Rossini suscite à chaque mesure.

Le spectacle ne se voit plus à Nantes, mais ferme l’année au Grand Théâtre d’Angers.

Jean-Charles Hoffelé

Gioacchino Rossini, Le Comte Ory, Nantes, Théâtre Graslin, le 21 décembre, puis au grand Théâtre d’Angers les 28, 30 et 31 décembre.

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Photo : DR

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