Journal

Myung-Whun Chung dirige le Stabat Mater de Rossini - Sobriété et retenue - Compte-rendu


Fidèle au Festival de Saint-Denis depuis de nombreuses années, Myung-Whun Chung n’y avait pas encore dirigé le Stabat Mater de Rossini : l’édition 2011 aura donc permis au public rassemblé dans la vaste basilique d’écouter le chef coréen dans cette œuvre, créée à Paris le 7 janvier 1842 par un compositeur qui sortait de dix ans de silence. Débuté par une remarquable ouverture d’Obéron de Weber à la sonorité pleine et au tempo soigné, conduite avec mesure et distinction par un maestro ô combien sûr de ses instrumentistes du Philar., le programme se poursuivait avec Rossini. Plus théâtrale que sincèrement religieuse, Rossini étant clairement étranger à toute réflexion métaphysique désincarnée en raison d’une foi solidement ancrée dans les réalités de la vie terrestre, la partition atteint avec Chung une sobriété et une retenue proches de celle de Carlo Maria Giulini dont, rappelons-le, il fut l’assistant en 1979.

Des dix numéros autonomes qui composent cette séquence retraçant la douleur de la Vierge au pied de la croix, Chung saisit avec la plus grande précision le dispositif (en forme de cycle) et l’atmosphère où sourd, malgré le recueillement apparent, un tumulte intérieur. La couleur volontairement sombre qui accompagne les parties chorales, se pare progressivement de lumière et gagne en intensité lors des interventions solistes au lyrisme foisonnant. Ainsi le dramatisme annoncé dès le chœur introductif et qui trouve son apogée lors de l’ «Inflammatus », où est invoqué le Jugement dernier, est-il entrecoupé par des moments moins exposés, intelligemment traités par le chef que l’on sent extrêmement proche de cet ouvrage qu’il dirige depuis longtemps. Si le Chœur de Radio France se montre à la hauteur des exigences vocales demandées, le quatuor réuni par le maestro n’est pas en reste.

Avec sa sensibilité habituelle et la musicalité qui caractérisent chacune de ses apparitions, Patrizia Ciofi sait immédiatement trouver le langage approprié à ce répertoire : transparence du timbre, émotion à fleur de lèvre au cours du « Quis est homo », phrasé ample et cantabile aérien lors du « Sancta Mater », homogénéité des registres et engagement, pour défier la véhémence de l’ « Inflammatus » et de son accompagnement agitato. Un parcours vocal idéal que Vivica Genaux est loin d’avoir suivi, la mezzo luttant chaque jour davantage contre un instrument sourd et rebelle, aux aigus instables. Voix taillée dans le roc, souple et déployée, Mirco Palazzi est l’interprète rêvé pour dominer le puissant « Pro peccatis » et tenir son rang pendant le « Eia Mater », où il doit rivaliser avec le Chœur. Le ténor Arturo Chacon-Cruz ne possède sans doute pas un timbre rare ou un charme particulier, mais son émission et sa technique lui permettent de soutenir la tessiture élevée (jusqu’au ré bémol tenu) et le rythme martial du « Cuius animam » et de répondre avec clarté aux échanges quasi opératiques du « Sancta Mater ».

François Lesueur

Festival de Saint-Denis, basilique, 28 juin 2011

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de François Lesueur

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles