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Monteverdi et Piazzolla par la Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón au Festival de Saint-Denis – Affinités électives – Compte-rendu

 Pour le concert de clôture du Festival de Saint-Denis, le programme de la Cappella Mediterranea qui réunit Monteverdi et Piazzolla peut surprendre. Pour le meilleur, serait-on tenté de croire ! Car Leonardo García Alarcón, qui a coutume d’œuvrer hors des sentiers rebattus, offre un rapprochement inattendu, voire audacieux, mais qui n’est pas fortuit. C’est aussi l’occasion de célébrer, par des chemins quelque peu détournés, les 100 ans d’Astor Piazzolla (1921-1992), maître d’un tango renouvelé de la part de cet autre Argentin de naissance qu’est l’ordonnateur de la soirée. Le résultat n’en est pas moins convaincant, qui renouvelle au fil de l’écoute l’approche de deux compositeurs que séparent plus de trois siècles et a priori leurs esthétiques, mais dont on peut finalement trouver des affinités.
 

Mariana Flores © Christophe Fillieule / Festival de Saint-Denis

 
On passe ainsi, sans accroc, d’extraits monteverdiens du Retour d’Ulysse dans sa patrie, du Couronnement de Poppée, de L’Orfeo ou des Vêpres de la Vierge, à des pages reconnues du tango de Piazzolla (Vuelvo al Sur, Milonga del Ángel, Balada para un loco…). Tant il est vrai que les participants s’y expriment d’une même conviction, emprunte d’un prenant lyrisme. Mariana Flores (madame García Alarcón à la ville) délivre un chant baroqueux lisse et dépourvu de vibrato qui n’est plus à louer, convenant éminemment à Monteverdi comme à la sensibilité exacerbée des chansons de Piazzolla. Le ténor Diego Valentín Flores déploie une même intensité appropriée d’un registre à l’autre, expressif tout comme sa sœur Mariana de l’italien à l’espagnol. Pour les accompagner, la Cappella Mediteranea en petite formation (violon baroque ou violon, cornet, viole de gambe, contrebasse, luth ou guitare électrique, ainsi que épinette, orgue ou piano aux doigts de García Alarcón) s’adjoint le bandonéon de William Sabatier. La fusion est totale, les instrumentistes voguant d’un répertoire à l’autre d’une même foulée (quand bien même le cornet et la viole de gambe s’abstiennent souvent dans Piazzolla). Une sorte de prouesse !
 

William Sabatier © Christophe Fillieule / Festival de Saint-Denis
 
William Sabatier, grand spécialiste du bandonéon, n’hésite pas à mettre sa touche emportée jusque dans la couleur des arias de Monteverdi. Quito Gato, compagnon fidèle de la Cappella Mediterranea, alterne avec dextérité le luth à la guitare électrique. García Alarcón mène tout ce beau monde à partir de ses claviers, avec la ferveur précise qu’on lui connaît. L’ensemble est sonorisé, ce qui convient à l’ample acoustique de la basilique de Saint-Denis comme au propos du programme. Des écrans reproduisent les images de la prestation filmées en direct, accompagnées d’éclairages quasi scéniques, toujours en situation, pour le plus grand plaisir du large public qui comble la nef royale.
 
Pierre-René Serna

Saint-Denis – Festival de Saint-Denis, Basilique Cathédrale, 29 juin 2021.

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