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Michael Spyres en récital à l’Opéra-Comique – Homérique – Compte-rendu

Pas tout à fait remis d’un refroidissement qui l’a contraint à annuler sa prestation dans Le Requiem de Berlioz à la Philharmonie quelques jours avant ce concert (1), Michael Spyres (photo) n’a pourtant pas souhaité modifier un programme résolument « homérique », donné avec le concours de l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine conduit par Jean-François Heisser.
Comme Stanislas de Barbeyrac récemment en récital à Eléphant Paname, le choix du ténor s’est porté sur une large sélection d’opéras français allant de Méhul à Charpentier, qu’aurait pu défendre il y a trois décennies un autre chanteur américain d’envergure, Rockwell Blake. Quand ce dernier débutait avec Lully (Persée), Piccini (Roland) ou Gluck (Orphée), Spyres propose Méhul « O Dieux, écoutez ma prière ! », extrait d’Ariodant, un air central, assez court, sans vocalise ni saut d’octave qui lui permet de se chauffer et de mesurer sa résistance face à l’orchestre toujours très soutenu du compositeur. La « Légende de Kleinzach » (Les Contes d’Hoffmann) abordée avec une fière assurance et une ligne de chant ferme bénéficie d’un amusant jeu de scène qui installe instantanément une sympathique relation avec le public.

De retour après une ouverture de L’Italiana in Algeri dirigée avec honnêteté par J.-F. Heisser – on a été moins convaincu par les extraits symphoniques de Carmen – , Spyres opère un changement radical en passant à une tessiture bien plus légère : la cantilène de Gérald « Ah, viens dans la forêt profonde » (Lakmé) phrasée avec une douceur et une délicatesse infinies évoque la musicalité et le charme d’Alain Vanzo, impression confirmée avec l’air de Mignon « Adieu Mignon, courage » d’une poésie et d’un naturel éblouissants. Connu pour sa versatilité vocale et son aptitude à faire sauter les verrous musicaux, le ténor a voulu par la suite changer de registre en convoquant le Faust berliozien ; rien de suave, ni de léger dans cette « Nature immense » face à laquelle s’interroge le héros, mais une écrasante intensité et une saisissante volonté d’introspection, traduites ici avec un somptueux éclat.

En d’autres circonstances, Spyres aurait sans doute pu prendre le risque de revenir à un rôle plus aigu, mais en ce soir de mai, c’était inutile : Faust n’est pas Des Grieux et l’émission tout en grâce demandée dans l’air de St Sulpice avec ses forte répétés sur « Ah fuyez », l’ont inutilement mis en difficulté. Rien d’étonnant à ce que Don José n’ait pas eu non plus le temps nécessaire pour retrouver son juste foyer vocal et que le ténor n’ait pu négocier correctement sa montée vers le fameux aigu final… Fort heureusement le concert prenait fin avec le très bel air de Julien issu de Louise « Elle va paraître ».
 
Chaleureusement applaudi et manifestement heureux d’être parvenu au terme de ce marathon, Michael Spyres revenait avec en premier bis « Mes amis écoutez l’histoire » du Postillon de Longjumeau d’Adam pour rappeler son aisance technique et faire entendre quelques suraigus bien sentis, comme ceux qui concluaient très avantageusement les dernières phrases de l’air d’Hoffmann qu’il ne s’était pas permis d’effectuer lors de sa première exécution.
 
Prochain rendez-vous avec cet habitué de la Salle Favart (où le chanteur est régulièrement invité depuis la Muette de Portici en 2012), du 2 juin au 14 juin, où il interprétera Rodolphe de La Nonne sanglante de Gounod (2), un spectacle attendu inscrit dans la programmation du 6ème Festival Palazzetto Bru Zane à Paris
 
François Lesueur

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(1)  www.concertclassic.com/article/mikko-franck-dirige-le-requiem-de-berlioz-la-philharmonie-de-paris-accompli-compte-rendu
 
 (2) www.opera-comique.com/fr/saisons/saison-2018/nonne-sanglante
 
Paris, Opéra-Comique, 4 mai 2018

Photo © DR

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