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Metz - Compte-rendu - Le Freischutz à Metz, un beau livre d’images

Le répertoire fantastico-romantique, qui s’étend de Weber au jeune Wagner (les Fées) en passant par Marschner, est un des plus difficile à réaliser sans tomber dans un style grand-guîgnolesque ; le directeur qui décide de présenter ces ouvrages doit être vigilant sur le choix du metteur en scène. Choix parfaitement maîtrisé par Laurence Dalle en la personne de Danièle Guerra qui a su illustrer avec beaucoup de sensibilité le Freischütz qu’il nous a donné de voir sur la scène messine.

De la guerre de trente ans où se situe l’action il nous transporte dans une bohème des années trente et réussit fort à propos sa transposition, soutenu en cela par les superbes costumes de Coralie Sanvoisin, ainsi que des superbes décors de Charles Edwards.
Point de spectres ridicules mais de superbes projections et de subtils jeux d’ombre qui créent un climat fantastique et oppressant. L’autre difficulté, résolue avec maestria, est le personnage de Samiel omniprésent dans le texte et la musique. L’ombre gigantesque d’une main le personnifie pendant l’air de Max, et la gorge aux loups est de la même eau : un immense miroir coupe la scène en deux, ce qui permet de dédoubler les personnages et donne l’illusion d’une profondeur à l’infini sur laquelle se détache Max et Gaspard. Sur les ultimes répliques de Samiel le miroir se déplace pour laisser passer le double de Max qui vient lui donner la septième balle fatidique.

L’orchestre National de Lorraine, sous la direction de Jacques Mercier, sonne avec de belles couleurs. Le geste est ample et généreux et soutient admirablement les chanteurs. Il y a du Berlioz dans cette conception, ce qui se justifie si l’on sait que notre musicien national défendit amplement cette partition et qu’il écrivit de magnifiques récitatifs pour la version française.

La découverte de cette soirée fut le ténor Thomas-Rolff Truhitte qui, dans le personnage de Max, nous fit entendre une voix ample et large à laquelle il manque toutefois quelques demi-teintes pour être tout à fait exemplaire. Un grand wagnérien transparaît sous le personnage, il y a du Siegfried dans cette voix.
Cécile de Boever, Ännchen, a la jeunesse du personnage et la voix fruité du rôle. Le Gaspard de Jean-Marc Salzmann est diabolique sans trop en faire. La voix est souple, ses appels dans la gorge aux loups sont énoncés dans un murmure qui fait froid dans le dos.

Léonora del Rio dans le personnage d’Agathe, est plus emblématique. La chanteuse est adroite, fine comédienne, avec une jolie voix gâchée par un manque de soutien dans le médium, ce qui malheureusement entraîne un manque de justesse alors que le haut médium et les aiguës sont fort bien projetés et possède la couleur exacte du rôle.

Les autres rôles sont fort bien distribués et les chœurs, renforcés à l’occasion par l’ensemble Mille e Tre, ont été fort bien préparés par Jean-pierre Aniorte.

Bernard Niedda

Opéra Théâtre de Metz le 5 Mai 2004

Photo : DR
 

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