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Martin Helmchen, Thomas Hengelbrock et l’Orchestre de Chambre de Paris au Théâtre des Champs-Elysées – Vertige du trait – Compte rendu

Original programme inaugural à l’Orchestre de Chambre de Paris. Quand d’autres formations jouent la carte de partitions concertantes fameuses, on préfère miser sur la rareté ici, avec le Concerto pour piano n° 2 op. 25 de Franz Xaver Wolfgang Mozart (1791-1844). Un choix qui n’a rien d’un hasard : Thomas Hengelbrock est profondément attaché à cette partition et on lui sait gré de l’avoir programmée avec le concours de Martin Helmchen (photo).
Mozart fils donc, né en 1791 moins de six mois avant la disparition de son illustre père. La musique de ce dernier a certes compté dans la formation de son style, mais c’est plus par le contexte viennois dans lequel il évoluait au début du siècle – nous sommes au temps de Beethoven et des conquêtes d'un instrument en plein essor : le pianoforte – que l’on comprend le langage de Franz Xaver.

© Orchestre de Chambre de Paris - Edouard Brane
Un trait d’union nommé Hummel
À ce propos, Thomas Hengelbrock a d’ailleurs eu la bonne idée d’ouvrir le concert avec la fort jolie Ouverture de Mathilde de Guise de Johann Nepomuk Hummel (1778-1837), dans une interprétation pleine de lyrisme et de relief. Manière de rappeler le rôle de trait d’union de ce musicien, qui fut à la fois élève de Mozart (de 1786 à 1788) et professeur de Franz Xaver. Un Concerto en mi majeur pour trompette a fait la réputation de Hummel, mais c’est d’abord sur l’évolution de l’écriture pour clavier qu’il a pesé, participant avec Weber, Moscheles et d’autres à l’émergence du style brillant qui allait tant compter dans la formation du langage des romantiques, Chopin au premier chef.
D’évidence, Franz Xaver a été marqué par l’exemple de son maître. Détail intéressant, c’est dans une structure en deux mouvements vifs – et brillants ô combien ! – l’Allegro con brio et le Rondo final de l’ouvrage que nous connaissons aujourd’hui, que le Concerto en mi bémol majeur est né en 1818, l’Andante espressivo étant venu se rajouter deux ans plus tard à l’occasion d’une exécution viennoise.
Pianisme ailé
Le pianisme ailé de Martin Helmchen apparaît très approprié ici. Dans le mouvement initial, solidement charpenté, le soliste possède la fluidité parfaite et l’élan nécessaires – il peut compter sur la direction particulièrement vivante et attentive de Thomas Hengelbrock. Aucun enfilage de perles, mais tout au contraire une capacité de faire ressentir le vertige du trait qui caractérise une musique entre deux époques. Après un Andante espressivo plein de tendresse, Helmchen comble à nouveau dans l’Allegretto final, joueur et piaffant à souhait sous ses doigts. Public conquis, gratifié d’un adagio de Mozart père en bis.

© Orchestre de Chambre de Paris - Edouard Brane
Franchise et humanité
Thomas Hengelbrock aime on le sait entraîner ses musiciens dans des œuvres qui dépassent le cadre d’un orchestre de chambre au sens strict. On en a un nouvel exemple avec le Symphonie n° 8 de Dvorak, et c’est une pleine réussite ! Engagement, timbres fruités (les vents ont il est vrai de quoi se régaler dans l’Opus 88 ...) : la partition, nourrie d’esprit populaire, possède toute la robustesse nécessaire sans jamais rien céder à la lourdeur, et offre ce qu’il faut d’un peu âpre dans les attaques parfois, mais sans sécheresse ni dureté. Seulement une franchise pleine d’humanité, de poésie et de santé qui augure du meilleur pour la suite.
Prochain rendez-vous le 2 octobre (1), dans la salle de l’avenue Montaigne, pour une très originale soirée Mozart et Chostakovitch, mi-concertante mi-chambriste, avec Alexander Melnikov au piano et à la direction et cinq souffleurs issus de l’OCP. Et, entre temps, n’oubliez pas un nom moins alléchant programme Bacewicz, Britten, Françaix le 27 septembre (15h) à Cortot, inscrit dans la série de musique de chambre de l’orchestre. (2)
Alain Cochard

(1) www.orchestredechambredeparis.com/concert/mozart-chostakovitch/
(2) www.orchestredechambredeparis.com/concert/bacewicz-britten-francaix/
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 18 septembre 2025
Photo Martin Helmchen © Giorgia Bertazzi
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