Journal
L’Histoire du Soldat par Veniamin Smekhov, Ivan Velikanov et Les Ambulants – Ramuz russe

Foule des grands soirs à la salle Cortot, comble de bas en haut. L’œuvre programmée, L’Histoire du Soldat, fait sans doute partie des Stravinski les plus connus ; son titre en tout cas, car on a affaire à une absolue rareté avec la version en traduction russe de l’ouvrage. On doit à un certain Anatolii Agamirov d’avoir, dans les années 1920 semble-t-il, réalisé une traduction-adaptation du texte de Ramuz – une manière de retour aux sources puisque l’écrivain suisse s’est inspiré d’un vieux conte russe.

© Benoît Thignières
Une grande figure du théâtre russe
À Veniamin Smekhov (photo) revient le rôle du récitant ; sa présence n’est sûrement pas étrangère à l’affluence d’un public comprenant de nombreux russophones. Né en 1940, l’artiste est en effet une importante figure du théâtre, du cinéma (le rôle d’Athos dans « D’Artagnan et les Trois Mousquetaires » de G. Jungwald-Khilkevitch a fait sa gloire) et de la télévision russes. Autant dire que L’Histoire du Soldat dispose là du comédien idoine. Ivan Velikanov ne l’est pas moins à la direction, particulièrement à son aise dans la partition de Stravinski. La chose n’étonne guère de la part d’un chef né en France en 1986, ancien élève de Gennady Rozhdestvensky au Conservatoire de Moscou, et très actif jusqu’en 2022 en Russie où il s’est produit sur de prestigieuses scènes.

© Benoît Thignières
Prométhée improvisé
A l’initiative du concert à Cortot, Velikanov peut compter sur des instrumentistes de premier ordre : David Haroutunian, Pierre Génisson, Amrei Liebold, Romain Leleu, Guillaume Cottet-Dumoulin, Emmanuel Curt, Yann Dubost, tous réunis au sein de l’ensemble Les Ambulants. Chef d’un éclectisme remarquable, Velikanov est aussi compositeur et, pour compléter le programme, propose en ouverture de soirée son Prométhée enchaîné, suite d’orchestre spécialement adaptée pour l'occasion pour l’effectif de l’Histoire du Soldat (auquel s’ajoute une petit harpe, tenue par Ieva Baublyté). La pièce s'inspire du mythe de Prométhée au fil d’une composition qui présente la particularité de laisser une part d’improvisation aux interprètes et chemine d’un climat initial plutôt âpre vers une conclusion de couleur plus slave où des enfants jouent avec allumettes et ... avec le feu !

© Benoît Thignières
Un éclairage nouveau
Idéal pour s’enchaîner à l’Histoire du Soldat, qui voit Veniamin Smekhov s’installer dans fauteuil de cuir, devant une petite table, à la manière d’un grand-père qui viendrait offrir un conte à ses petits-enfants. On se laisse en tout cas prendre par son art de la narration, sa capacité de se lover dans chacun des personnages en trouvant l’intonation appropriée. Fort d'une profonde complicité avec Velikanov, il tient les rênes du récit avec un art consommé, s’autorisant parfois un peu de nonchalance (et même un drôlissime aparté avec le chef pour feindre de vérifier la prononciation d’un mot).
Le comédien n’en demeure pas moins toujours attentif au rythme d’une pièce à laquelle la langue russe apporte un éclairage nouveau, un caractère moins "tranchant" que la version originale en français – le public non russophone peut d’autant mieux en profiter qu’une traduction en français (1) de celle d’Agamirov défile dans une parfaite synchronisation.
Une découverte enthousiasmante à mettre au crédit de l’inventive série « Opus Cortot » produite par l’Agence Hugo Panonacle. Prochain rendez-vous le 18 janvier avec Géza Hosszu-Legocski (violon) et Anastasia Rizikov (piano) dans un programme Brahms.
Alain Cochard

Paris, Salle Cortot, 16 décembre 2025
(1) réalisée par Elena Naumova
Saison Opus Cortot : www.hugopanonacle.fr/fr/une-nouvelle-saison-de-haut-vol/
Photo © Benoît Thignières
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