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Marseille - Compte-rendu : La Walkyrie en demi-teinte


Suite et fin de la saison lyrique marseillaise avec La Walkyrie, qui n’avait pas été montrée depuis 1996. Comme toujours, le soin apporté à la distribution constitue un formidable effet d’appel. Comment ne pas saluer, en effet, sur un plateau français, la présence de Torsten Kerl, heldentenor que l’Allemagne s’arrache, d’Albert Dohmen, sans doute le meilleur Wotan du moment, Gabriele Fontana et Janice Baird faisant figures de bons outsiders.

Pourtant l’ensemble du spectacle est loin d’emporter l’adhésion, metteur en scène et chef d’orchestre n’étant pas à la hauteur de l’événement. Charles Roubaud assure une fois encore un service minimum et semble se satisfaire de quelques projections vidéo maladroitement réalisées par Gilles Papain (le tronc d’un frêne au premier acte, Brünnhilde en Samothrace vivante au second, là une épée, ici une flèche, plus loin un brasier en flamme au III) et de quelques effets d’orages, sans grand intérêt.

Lassé par cette vision minimaliste, par ces images sans vie et ces tableaux sans passion, l’œil s’égare, d’autant plus que la direction balourde et approximative de Friedrich Pleyer qui ne souffle ni le froid, ni le chaud s’étire, au point de rendre le deuxième acte interminable (L’annonce de la mort est massacrée). Reste donc les solistes. Torsten Kerl chante Siegmund avec un naturel et une aisance confondants : en termes de nuances, de contrôle de la ligne de chant et d’endurance, il n’a rien à envier aux gloires du passé. Voici, avec Peter Seiffert, le plus enthousiasmant des titulaires du rôle ! Albert Dohmen interprète Wotan avec une assurance vocale inimaginable - quel grain de voix, profond, rocailleux, sans jamais forcer le trait et toujours avec la plus sûre des persuasions.

Contraint d’obéir à Fricka, une Sally Burgess fâchée avec la justesse et un peu trop caricaturale, il s’en prend avec violence à sa Walkyrie préférée, chantée sans la moindre émotion par une Janice Baird moins à sa place qu’en Isolde à Toulouse il y a peu, au chant raide, monocorde et à l’aigu plafonnant. Gabriele Fontana a beaucoup écouté Leonie Rysanek, ce qui nous vaut une Sieglinde très engagée, qui chante avec ses tripes, prend des risques (quelques aigus sont parfois à la limite), mais dont le profil n’a rien d’anémié. Citons également le puissant Hunding d’Arthur Korn, sorte de bûcheron mal dégrossi et oublions au plus vite le plus criard cortège de Walkyries qu’il nous ait été donné d’entendre.

Prochain rendez-vous wagnérien, cet été, à Aix, avec La Walkyrie du duo Braunschweig/Rattle, où nous attend un Siegmund de poids, celui de Ben Heppner.

François Lesueur

Opéra de Marseille, le 20 mai 2007

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Photo : DR

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