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Marianne Crebassa en récital à l’Opéra-Comique – Marianne chez les garçons
En ce 24 octobre, un public inhabituel se presse à l’Opéra-Comique pour entendre la jeune mezzo-soprano Marianne Crebassa (photo), dans le cadre d’un récital dédié à la musique française. C’est que, ce soir-là, la concurrence est particulièrement rude ; le Tout Paris est ailleurs et Favart réunit les amateurs convaincus du talent de la jeune diva biterroise et ceux qui veulent la découvrir dans un programme très attractif où elle n’interprète que des rôles de travestis masculins.
Depuis ses débuts en 2008 à Montpellier dans le Manfred de Schumann (1), l’artiste a très rapidement acquis une reconnaissance internationale qui l’a conduite, entre autres, à Salzbourg (pour la création de Charlotte Salomon de Marc-André Dalbavie en 2014), Vienne, Amsterdam, Berlin et Milan. En février dernier, M. Crebassa triomphait au Châtelet dans le rôle-titre du Fantasio d’Offenbach (2).
Son récital s’ouvre avec « Nobles Seigneurs, salut ! », l’air d’Urbain des Huguenots de Meyerbeer. Tout y est : la juvénilité, l’impétuosité du page, la virtuosité belcantiste et une diction parfaite qu’elle soignera tout au long de ce récital. Suit le très acrobatique et héroïque « Amour, viens rendre à mon âme » (Orphée et Eurydice de Gluck/ rév. Berlioz), qui la trouve dans une forme exceptionnelle. La voix est puissante et tout à fait à son aise, malgré la fougue de l’orchestre. Face à un tel abattage, les bravos fusent spontanément de la salle !
© Simon Fowler
Le programme fait la part belle aux airs du répertoire de l’opéra-comique français qu’elle a enregistrés pour son premier album Oh Boy ! (Erato). On mesure le chemin parcouru par l’artiste, aussi bien dans les extraordinaires coloratures, l’élocution parfaite et une projection de la voix spectaculaire. Le médium est délicieusement cuivré, les aigus faciles et les graves, profonds, frôlent ceux d’un contralto.
Toujours excellente actrice, elle sait composer pour chaque personnage une mise en situation idéale. Pour Fantasio, elle s’assoit à même le sol, sur un côté de la scène et ôte ses chaussures scintillantes de strass. Crebassa nous offre trois différentes tenues plutôt androgynes où le noir et blanc est roi, en accord avec les caractères qu’elle est incarne.
Elle ravit l’auditoire avec l’air de Stefano (Roméo et Juliette de Gounod), les deux airs de Siebel (Faust) et le « Vois sous l’archer frémissant » (Les Contes d’Hoffmann), avant de l’émouvoir aux larmes dans le très mélancolique « Cœur sans amour » du Prince Charmant de la Cendrillon de Massenet, la superbe Ballade à la lune de Fantasio, la Romance de Lazuli de L’Etoile de Chabrier et surtout pour le poignant « Alors, adieu donc mon amour » – du tiré rare Mozart de Hahn et Guitry – qui clôt provisoirement le concert.
Le public ne peut cependant laisser s’en aller l’interprète sans deux bis ravéliens éblouissants et inattendus. Elle réussit à la perfection la seconde partie de Shéhérazade, La Flûte enchantée, avant un « Toi, le cœur de la rose » (L’Enfant et les sortilèges) d’une émotion insoutenable.
Victorien Vanoosten © victorienvanoosten
Marianne Crebassa est accompagnée par l’Orchestre de chambre de Paris, dirigé par un jeune chef particulièrement prometteur, Victorien Vanoosten, qui empoigne la musique avec feu et passion. Nombreux mais courts, les intermèdes orchestraux qui émaillent le programme déclenchent presque toujours une ovation méritée. Aux côtés de deux extraits des Jeux d’enfant de Bizet (La Toupie et Le Bal), de l’Entracte du Roméo et Juliette de Gounod, et de la Barcarolle des Contes d’Hoffmann, le chef français propose des raretés comme l’Ouverture de la Phèdre de Massenet, celle du Mozart de Reynaldo Hahn et la transcription du Clair de lune de Debussy qu’il a lui-même réalisée (son arrangement du A la manière de Chabrier de Ravel était aussi programmé). On regrettera, peut-être, une direction un peu trop vigoureuse, manquant de nuances, spécialement pour l’exécution du Clair de Lune, par trop fougueux et frénétique.
Michel Slama
Paris, Opéra-Comique, 24 octobre 2017
- Lire l’itv : www.concertclassic.com/article/mezzo-davenir-une-interview-de-marianne-crebassa
- www.concertclassic.com/article/fantasio-doffenbach-au-chatelet-merveilleuse-ambiguite-compte-rendu
Photo © Simon Fowler
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