Journal
Maria Stuarda au Théâtre des Champs-Elysées –Ivresse belcantiste – Compte-rendu
En une décennie l'interprétation a naturellement évolué, même si les fondamentaux étaient déjà présents à Liège (2) : ceux d'une souveraine volontaire et séductrice, contrainte au silence par son implacable cousine Elisabetta et qui n'aspire qu'à la liberté quand son funeste destin semble scellé d’avance. Profitant d'une forme vocale superlative, Ciofi offre une composition d'une épaisseur psychologique et dramatique rares, en constante évolution jusqu'à la décapitation. Pure malgré les accusations qui pèsent sur elle dans son élégiaque air d'entrée « O nube che lieve », déterminée à retrouver son trône « Nella pace del mesto riposo », sa Maria amoureuse invétérée compte sur sa relation avec Leicester pour être sauvée. Impulsive et fière, elle échoue cependant à conserver son calme face à Elisabetta qu'elle insulte devant la cour se croyant intouchable (finale du 1). Recluse et bannie, elle attend alors la mort avec dignité, bouleversante auprès de Talbot avant de se présenter en martyre et de quitter la terre sur de sublimes adieux « Ah se un giorno da queste ritorte ».
Speranza Scappucci © speranzascappucci.com
Interprète passionnée, attentive à habiter chaque mot, à donner à chaque ornement une couleur, une nuance et une expression, Ciofi a l'art de condenser musique et émotion et de jouer des mille subtilités de son timbre. Rien dans ce portrait de reine blessée n'est laissé au hasard, du murmure à l'imprécation, de l'espoir à l'abandon, les vocalises s'envolant avec audace et précision comme si ce langage raffiné allait de soi. Aux saluts, sourires et larmes accompagnaient un triomphe personnel amplement mérité. Soprano à l'instrument plantureux, Carmen Giannattasio renouvelle sa belle prestation de 2015 avec une Elisabetta au tempérament enflammé, qui affronte la partition avec une franchise bienvenue. Galvanisé par la présence de ces deux artistes, qui plus est compatriotes, Enea Scala ne fait qu'une bouchée du rôle de Leicester auquel il prête une émission ardente et une ébouriffante vocalité. Résolument plus discret, mais d'une superbe autorité, Nicola Ulivieri associe son noble baryton au personnage de Talbot, tandis que Marc Barrard campe un convaincant Lord Cecil.
François Lesueur
(1) www.concertclassic.com/article/maria-stuarda-de-donizetti-au-theatre-des-champs-elysees-le-corps-de-mon-ennemie-compte
(2) www.concertclassic.com/article/liege-compte-rendu-maria-stuarda-bouleversante-patrizia-ciofi
Donizetti : Maria Stuarda (version de concert) – Paris, Théâtre des Champs Elysées, 6 décembre 2018
Photo © Jean-Pierre Maurin
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