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Maria Stuarda de Donizetti au Théâtre des Champs-Elysées – Le corps de mon ennemie – Compte-rendu

Difficile d'adhérer à ce spectacle hybride qui hésite entre un mauvais jeu de rôle virtuel situé entre Westminster et Fortheringay et une visite au Musée Tussauds avec mannequins vivants de la Reine d'Angleterre et de la Reine d'Ecosse, où il ne se passe rien et où le propos patine par manque de créativité. La production de Moshe Leiser et Patrice Caurier a déjà été présentée à Londres et à Barcelone, avec dans les deux cas Joyce DiDonato dans le rôle-titre, et l’ouvrage est si rare à Paris que l'on regrette de le voir dans de telles conditions.

Sans être la plus inspirée de Donizetti, Maria Stuarda reste une œuvre attachante qui réserve quelques beaux moments de musique dont la fameuse scène où se confrontent les deux reines ennemies, toutes deux éprises du même homme. A Paris comme à Londres, le rôle d'Elisabetta est tenu par Carmen Giannattasio, soprano au matériau vocal imposant, riche en graves et en aigus, qui défend son personnage avec beaucoup de fermeté et de sincérité. Son costume et son maquillage extravagant pourraient nuire à sa composition, ils lui permettent au contraire de décupler la force expressive de cette reine tourmentée.

© Vincent Pontet

Face à cette forte personnalité, Aleksandra Kurzak a du mal à exister. La cantatrice polonaise (1) possède un timbre de voix agréable, quoique monochrome, du souffle et de jolis piani, mais les règles du bel canto semblent lui échapper ; sa scène d'entrée en fait les frais avec ces vocalises aux notes escamotées, l'absence de variation et une certaine négligence dans les attaques de la cabalette « Nella pace del mesto riposo ». Distante, peu à l'aise avec les émotions, sa Maria figée semble souvent extérieure au drame, larmoyante durant le long finale, au lieu d'y apparaître touchante, elle finit par lasser.
Entre ces deux rivales, le ténor sarde Francesco Demuro, sans doute un peu stressé par les enjeux d’un rôle aussi exposé, gère correctement les difficultés vocales de Roberto, même si la voix serrée, peine à se libérer totalement. Carlo Colombara est un Talbot honnête mais sans surprise, éclipsé par la belle prestation du baryton-basse Christian Helmer (Cecil), Sophie Pondjiclis campant une fière Anna.
Sans être indigne, la direction de Daniele Callegari à la tête de l'Orchestre de chambre de Paris n'a pas toujours la précision, le fini et le style attendu dans ce répertoire, le chef italien venant à bout de la partition sans pour autant l'habiter, sans doute par manque d'affinité.

François Lesueur

(1) dont la présence s’explique par la coproduction avec le Teatr Wiekli / Opéra national de Pologne où une reprise est programmée.

Donizetti : Maria Stuarda – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 18 juin ; prochaines représentations les 23, 25 et 27 juin 2015 / www.concertclassic.com/concert/maria-stuarda-de-donizetti

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