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María Cristina Kiehr au 17e Festival Mars en Baroque de Marseille – L’Italie, passionnément

Mars arrive et, comme tous les ans, Marseille se met à l’heure baroque. Du 26 février au 31 mars, l’édition 2019 de Mars en Baroque – sur le thème « L’Atelier du musicien » – rassemble divers artistes et formations, parmi lesquelles le Concerto Soave de Jean-Marc Aymes, qui assure également la direction artistique du festival. Cofondatrice avec le claveciniste du Concerto Soave en 1993, María Cristina Kiehr (photo) est une grande habituée du rendez-vous phocéen et on l’y retrouve une fois de plus pour deux concerts, mais aussi – nouveauté dans l’histoire du festival – une masterclass.

La virtuosité au service des affects

Longue complicité donc que celle qui unit la soprano d’origine argentine et Jean-Marc Aymes. L’amour du répertoire italien du XVIIe siècle est depuis le commencement « au cœur de la trajectoire » du Concerto Soave, « même si nous avons fait des incursions chez des auteurs plus tardifs ou d’autres pays, remarque M. C. Kiehr. Nous sommes aujourd’hui très éloignés de ce qu’était le monde des musiciens de la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. Il faut s’efforcer de connaître non seulement la musique mais toute l’époque, historiquement et artistiquement parlant et, à partir de là, essayer de recréer l’intention des compositeurs, poursuit-elle. La virtuosité n’est pas dans ce que l’on entendra plus tard au XVIIIe siècle, mais dans la compréhension du texte. La virtuosité vocale et instrumentale ne doit pas primer, elle doit se mettre au service de l’émotion, des affects, de la transmission des mots que l’on chante. Les traités de l’époque disent qu’il est du devoir du musicien d’émouvoir son auditoire. »

La spécialisation assumée du Concerto Soave sur une partie bien définie de l’histoire de la musique italienne ne lui interdit donc pas des incursions dans des répertoires plus tardifs ; preuve en est donnée lors des concerts auxquels M.C. Kiehr prend part cette année. L’intimisme domine lors du premier, le 15 mars, qui voit la cantate pour soprano et continuo L’Arianna d’Alessandro Scarlatti couplée avec le Salve Regina de Pergolèse, ouvrage d’esprit très chambriste.
 

María Cristina Kiehr & Jean-Marc Aymes © Marie-Eve Brouet

Deux Antonio réunis

Une bonne semaine après ce programme « De la Terre au Ciel », M.C. Kiehr retrouve Jean-Marc Aymes et les autres membres du Concerto Soave, le 23 mars, avec le chœur de chambre Les éléments à leurs côtés, tous sous la direction de Joël Suhubiette, pour une soirée « Magnificat ! » à l’église des Chartreux - l’un des temps forts du 17e Festival. Le Magnificat de Vivaldi y jouxte des pages d’un autre Antonio, moins célèbre celui-là : Caldara, dont on entend la Missa dolorosa et quelques airs tirés de Maddalena ai piedi di Cristo. Cet oratorio rappelle de beaux souvenirs à M.C. Kiehr, qui prit part au mitan des années 90 à l’enregistrement dirigé par René Jacobs pour Harmonia Mundi – « une expérience extraordinaire, et une partition qui ne l’est pas moins quand on songe au très jeune âge du compositeur au moment où il l’écrivit. » Caldara demeure relativement méconnu ? « C’est un compositeur dont il faut comprendre le langage. Il peut paraître parfois un peu « simple », mais en fait il est presque austère dans sa façon de composer pour laisser une grande liberté à l’interprète. »

Transmettre plutôt qu’enseigner

Les masterclasses font donc pour la première fois leur apparition au Festival Mars en Baroque, l’une confiée à Sandrine Piau, sur des musiques françaises, anglaises et italiennes des XVIIe et XVIIIe siècles, l’autre à M.C. Kiehr, qui retrouvera les répertoires – l’italien en particulier – des XVIe et XVIIe siècles qui lui sont si chers.
Enseigner ? L’artiste préfère parler de transmission. « J’aime transmettre les choses qui m’ont été transmises et que j’ai pu apprivoiser et, peut-être aussi, développer. Je n’ai pas de poste dans un conservatoire ou autre institution, mais je fais beaucoup de stages, de masterclasses et je suis ravie de voir cet aspect pour la première fois inclus dans la programmation du festival. Ce sera une porte ouverte pour une nouvelle génération de chanteurs intéressés par le XVIIe siècle italien. Ce qui compte le plus, c’est d’être mordu par ce répertoire, assure M.C. Kiehr. Souvent il ne donne pas de satisfaction immédiate. Il faut l’aborder avec une grande curiosité et une grande envie d’approfondir ce que les compositeurs ont voulu mettre en musique. Il faut travailler son instrument très sérieusement pour pouvoir s’en détacher et entrer dans la musique. »

Alain Cochard
(Entretien avec María Cristina Kiehr réalisé le 21 février 2019)

17e Festival Mars en Baroque
Du 26 février au 31 mars 2019
www.marsenbaroque.com/
Photo © DR
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