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Madame Favart d’Offenbach à l’Opéra-Comique – Madame Favart et le marquis de Pontsablé – Compte-rendu

Trois semaines tout juste après une version de concert de Maître Péronilla au Théâtre des Champs-Elysées, présentée en ouverture du 7e Festival Palazzetto Bru Zane à Paris (1), au tour d’un autre titre oublié d’Offenbach, Madame Favart, de renaître sur la scène de l’Opéra-Comique. C’était le moment ou jamais, en pleine année du bicentenaire, s’agissant d’un ouvrage qui se termine ... par la nomination de Charles-Simon Favart à la tête de l’Opéra-Comique ! Alignement parfait des planètes : le 20 juin, jour de naissance d’Offenbach, a été choisi pour la première de cette production.
 

Madame Favart (Marion Lebègue), Charles-Simon Favart (Christian Helmer) © S. Brion

Quelques mois seulement séparent deux partitions (de 1878) inégalement reçues, l’accueil plutôt tiède de Maître Péronilla s’opposant à celui, très enthousiaste, de Madame Favart. Une composition où Offenbach regarde vers le passé, vers « l’opéra-comique français, tel que l’ont connu nos pères ; l’opéra-comique qui fit la gloire des Grétry, des Dalayrac, des Monsigny, des Nicolò (...) », expliquait-il en janvier 1879 aux lecteurs du Figaro, avant une reprise de l'ouvrage à Marseille.(1)Un Figaro dont le chroniqueur, le 30 décembre 1878, avait très bien su résumer un livret (de Chivot et Duru) assez entortillé : « D’un côté le ménage Favart, de l’autre le ménage de Beaupréau : entre les deux un vieux soupirant, M. de Pontsablé, qui rebondit d’une raquette à l’autre d’un vol de vieux hanneton poussif. »

Anne Kessler a pris le parti de déplacer l’action – censée démarrer dans une auberge d’Arras – dans un décor (Andrew D. Edwards signe la scénographie) représentant l’atelier de couture de l’Opéra-Comique. « Hymne à la femme », « hommage au goût du travestissement »  de Justine Favart nous explique la note d’intention ... Bon, le résultat n’est pas inesthétique, loin de là, mais ne joue pas en faveur de l’acte I, partie franchement faible de Madame Favart et partant de la soirée. Le talent – il est grand ! – des artistes réunis n’y peut rien ; tout le monde manque de prise sur ce fichu acte aux dialogues trop longs (Chivot et Duru ne sont pas Meilhac et Halévy ...) – quel dommage que les ciseaux de l’atelier de couture n’aient pas inspiré des choix radicaux ; espérons qu’au moment des reprises ce sera le cas ! – et d’où ne se dégage pas de moment saillant sur le plan musical, à la différence de ce qui va suivre. Car, passée la pause, le spectacle change du tout au tout et les deux derniers actes révèlent un potentiel comique (la tyrolienne vaut le détour !) que les interprètes exploitent à plein.

de gauche à droite : Hector de Boispréau (François Rougier), Suzanne (Anne-Catherine Gillet), Biscotin (Lionel Peintre), Major Cotignac (Franck Leguérinel), chœur de l’Opéra de Limoges © S. Brion

Et puis ... l’acte II marque le moment de l’entrée en scène du marquis de Pontsablé. Un rôle dans lequel Eric Huchet (photo) déploie son art, parlé aussi bien que chanté, de la plus guitryesque façon. Quelle incarnation ! A lui seul, il justifie qu’on fasse la découverte de Madame Favart, malgré l’architecture bancale de l’ouvrage. La morosité n’est pas non plus de mise avec le truculent major Cotignac de Franck Leguérinel.
En Madame Favart, Marion Lebègue (photo) déploie un beau tempérament et réserve une désopilante apparition déguisée en douairière (avec faux Yorkshire en laisse !) au II. Elle forme malheureusement un couple déséquilibré avec Charles-Simon Favart car la voix, superbe, de Christian Helmer s’avère excessivement sombre pour le rôle. Anne-Catherine Gillet offre une délicieuse Suzanne face à l’Hector sympathique et bon gars de François Rougier. Lionel Peintre (Biscotin) et Raphaël Brémard (Larose) qu’acquittent fort bien de leurs modestes emplois.
Même si quelques réglages manquent dans les mouvements le soir de la première, le Chœur de l’Opéra de Limoges (maison coproductrice de cet Offenbach), préparé par Edward Ananian-Cooper, se montre très impliqué et toujours à la hauteur de l’enjeu.
Il en va de même avec un Orchestre de Chambre de Paris en grande forme. Mais comment ne pas resplendir sous la baguette de Laurent Campellone ? Tout n’y est que souriante élégance, chic, intelligence musicale, et parfaite maîtrise de la fosse, très sonore on le sait, du Comique. C’est assez rare pour être salué.

Alain Cochard

(1)  www.concertclassic.com/article/maitre-peronilla-doffenbach-inaugure-le-7eme-festival-palazzetto-bru-zane-paris-bigamie
 
(2) www.concertclassic.com/article/les-archives-du-siecle-romantique-31-jacques-offenbach-propos-de-madame-favart-lettre-au
 
 
Offenbach : Madame Favart – Paris, Opéra Comique, 20 juin ; prochaines représentations les 22, 24, 26, 28 & 30 juin 2019 / www.concertclassic.com/concert/madame-favart
 
Photo © S. Brion

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