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Madame Butterfly selon Ted Huffman à l’Opéra de Montpellier – Epure et émotion – Compte-rendu

Coproduite avec l’Opéra de Zurich, où elle fut créée en 2017, cette production de Madame Butterfly, tout en possédant les ingrédients de l’exotisme du pays du soleil levant, cultive avec originalité le sens de l’épure. Dans la vision Ted Huffman, la perspective ne consiste pas à imaginer le Japon vu par les occidentaux, mais plutôt de se placer dans la position du personnage principal.
 
Dès le fugato introductif, le décor se crée sous nos yeux, fait de quelques accessoires disposés devant un paravent ; ils se réduiront à la portion congrue au fur et à mesure de l’enfermement de Butterfly, prise au piège d’un huis clos consenti. Les lumières tamisées de D.M. Wood scandent les différentes péripéties de l’action ; la direction d’acteur, au cordeau, joue habilement avec les déplacements, les postures, jusqu’au suicide où l’héroïne se tranche la gorge devant Pinkerton et son fils.

© Marc Ginot

Le plateau vocal est à la hauteur de l’enjeu tant de la part des principaux protagonistes que des rôles secondaires. La Coréenne Karah  Son – une élève de la grande Mirella Freni – incarne avec émotion le rôle-titre et sa sensibilité bouleverse l’auditoire. La fébrilité et l’authenticité des sentiments de sa Cio Cio-San sont superbement servies par un chant équilibré aux aigus sonores et au medium charpenté. A son côté, la Suzuki de Fleur Barron incarne avec bonheur la dévotion, ce qui n’empêche pas cette pythie de prévoir le drame avec un naturel et une justesse de ton qui se retrouvent dans la fluidité de ses gestes.

© Marc Ginot

Ténor assuré un rien démonstratif, Jonathan Tetelman ne fait rien pour atténuer la veulerie de Pinkerton mais sait aussi se lover avec volupté dans la scène d’amour, torse dénudé, à la fin de l’acte I.
Le Sharpless d’Armando Noguera, particulièrement mis en valeur, tient ses promesses en présentant un consul plus torturé que d’ordinaire et sujet au repentir ; la santé vocale dont il fait preuve contraste avec le peu de projection du Goro de Sahy Ratia pourtant bon comédien. Mentions pour le prince Yamadori de Roland Nedelec à la large émission, au bonze efficace de Daniel Grice et à l’apparition fugace de Christine Craipeau en Kate Pinkerton.
A la fois ample et subtil, l’Orchestre national Montpellier Occitanie sert à merveille l’alchimie puccinienne, y compris dans les soli instrumentaux, sous la direction plus expressive que dramatique de Matteo Beltrami. Les chœurs préparés par Noëlle Gény, d’une belle fermeté mais aussi capables de douceur dans l'épisode a bocca chiusa du II, participent à la réussite d’un spectacle particulièrement apprécié du public. Belle entrée en matière pour la saison de l’Opéra de Montpellier !
                                         
Michel Le Naour

Puccini : Madame Butterfly – Montpellier, Opéra Berlioz-Le Corum, 2 octobre 2019
 
Photo © Marc Ginot

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