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Madama Butterfly à Toulon - Vérité orchestrale et décevante Cio-Cio San - Compte-rendu

Errant depuis dix ans entre Bordeaux, Marseille et Toulon, la Madama Butterfly réalisée par Numa Sadoul fait partie des classiques. Si elle jalonne efficacement le drame, la mise en scène ne s'est cependant jamais embaumée, s'adaptant à chaque fois aux ressources à disposition – ainsi avec moins de poudre nô, seul le Bonze condense réellement le reniement de la famille de Cio-Cio-San. Plus économe en étoiles peut-être, le ciel ne manque pas malgré tout de déverser sa poétique neige.

Douée d'un solide spinto qui la prédestine aux rôles dramatiques, Adina Nitescu semble avoir depuis longtemps dépassé l'innocence de Cio-Cio-San, aguerrie face à la vie mais crédule quant aux choses de l'amour. Le vibrato ne se contient qu'à partir du deuxième acte, et l'expression demeure trop conventionnelle pour bouleverser dans le sacrifice final. Incarnant un Pinkerton plus inconséquent que cynique, Arnold Rutkowski n'a pas la robustesse que l'on y attend souvent, et si son endurance atteint parfois ses limites, il évite toute vulgarité, à défaut d'une pâleur relative. D'une belle homogénéité, Giovanna Lanza incarne une remarquable Suzuki. Franck Ferrari semble tenter en Sharpless un compromis entre la consistance et la noblesse, sans exagérer l'autorité. Basse solide jusqu'à la caricature, Nyamdorj Enkhbat cherche à en imposer dans son imprécation du Bonze. Le Goro de Joseph Shovelton fait preuve de métier, sans pour autant marquer durablement, à l'instar du Yamadori de Xin Wang. En revanche, avec ses quelques mesures, Amandine Perret parvient à faire exister Kate Pinkerton. Assurés par des membres du chœur de la maison, les comprimari complètent convenablement le plateau.

Après avoir salué sa Carmen le mois passé, on retrouve la vigilance de Giuliano Carella à l'égard des pupitres et des couleurs de son orchestre. Retranchée derrière la précision expressive de la partition – on sait la méticulosité de Puccini –, sa direction conduit le destin de Cio-Cio-San avec une efficacité toute cinématographique, convergeant à la fin avec une focalisation lumineuse sur le suicide de l'héroïne qui ne l'est pas moins. Depuis six ans, la persévérance du chef italien porte l'Orchestre de l'Opéra de Toulon au rang des meilleures phalanges de fosse en France, et cette Butterfly en fournit l'exemple.

Gilles Charlassier

Puccini : Madama Butterfly, Opéra, Toulon, Opéra, 16 novembre 2012, prochaines représentations, 20 et 22 novembre 2012

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Photo : Frédéric Stephan
 

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