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Madama Butterfly à l’Opéra Bastille - Le papillon wilsonien d'Ermonela Jaho – Compte-rendu

Pelléas et Mélisande et Madama Butterfly resteront dans l'histoire de l'Opéra de Paris et dans la carrière de Bob Wilson comme deux des spectacles les plus marquants de ces vingt-cinq dernières années. Souvent revues, dirigées par de nombreux chefs et interprétées par une quantité d'artistes, ces œuvres sublimées par l’esthétique wilsonienne n'ont rien perdu de leur grâce, de leur pureté et de leur force.

 © C. Pele - OnP

L’orchestre placé sous la direction du jeune maestro italien Daniele Rustioni, futur chef principal de l'Opéra de Lyon, avec ses tempi emportés mais toujours calqués sur les fluctuations du récit et d'une scrupuleuse expressivité, est notre premier motif de satisfaction. Le second vient de la distribution dominée par la Butterfly d'Ermonela Jaho ; un an après sa Traviata, la soprano albanaise inscrit un nouveau trophée à son déjà riche tableau de chasse. Musicienne émérite, admirable styliste, elle réussit comme à Barcelone il y a deux ans (1), à imposer dans un espace surdimensionné un personnage fragile, tendre et touchant constamment relevé par un chant nuancé, un timbre soyeux et un aigu travaillé à l'image des grands maîtres calligraphes. Comme sur la scène catalane, le volume parfois insuffisant passe pourtant la rampe et défie les vides de cette scénographie épurée. Sa silhouette enfin, gracile comme celle d'un origami montre avec quel soin la cantatrice s'est plu à investir le geste wilsonien jusqu'à le faire sien.
 
Tout de blanc vêtu, Piero Pretti est un excellent Pinkerton, ni trop lisse ni trop présent, strict sur le plan vocal et efficace sur le plan scénique. Baryton à la voix joliment colorée, Gabriele Viviani défend le rôle de Sharpless avec conviction, n'oubliant pas de glisser quand cela est nécessaire, une touche de compassion et d'humanité pour accompagner Cio-Cio San sur son douloureux chemin.
Maquillées, éclairées et toutes différenciées, les figures de Goro (Nicola Pamio), du Bonze (Mikhail Kolelishvili) ou du séduisant Yamadori (Tomasz Kumiega), véritables estampes vivantes, sont aussi belles à voir qu'à entendre, tout comme la fidèle Suzuki (Annalisa Stroppa) traitée avec une attention et une élégance extrêmes (costumes au tombé splendide de Frida Parmeggiani) jusqu'au moindre battement de cils.

François Lesueur

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(1) Lire le compte-rendu - http://www.concertclassic.com/article/madame-butterfly-barcelone-emouvante-cio-cio-san-dermonela-jaho-compte-rendu
 
Puccini : Madama Butterfly –  Paris, Opéra Bastille, 30 septembre, dernières représentations (toutes avec E. Jaho) les 7, 10 et 13 octobre 2015 / www.concertclassic.com/concert/madame-butterfly-par-robert-wilson

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