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Lukáš Vondráček, David Reiland et l’Orchestre National de Metz fêtent les 30 ans de l’Arsenal –Virtuosité poétique – Compte-rendu

26 février 1989 – 28 février 2019 : 30 ans presque jour pour jour après l’inauguration de l’Arsenal, l’Orchestre national de Metz était au rendez-vous pour un concert inscrit dans « Piano Follies », une thématique proposée par la Cité Musicale-Metz à l’occasion de l’anniversaire de la célèbre salle de concerts. (1)

Short ride in a fast machine : plus qu’une mise en jambe, c’est une course haletante dans laquelle David Reiland (photo), directeur musical de la phalange messine depuis la rentrée passée, entraîne ses musiciens. La courte pièce de John Adams est tenue avec un aplomb admirable et augure du meilleur à l’orée d’une soirée qui aura souligné la belle entente du chef belge avec les musiciens lorrains et les prometteuses perspectives qu’elle ouvre.
 

Lukáš Vondráček © Irène Kim

Lukáš Vondráček (né en 1986, Premier Prix du Reine Elisabeth en 2016) est l’interprète de la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Serge Rachmaninov, un opus extrêmement exigeant pour le soliste comme pour l’orchestre. Virtuose de premier ordre, le pianiste tchèque se montre toujours parfaitement à la hauteur de l’enjeu, pour mieux faire oublier la prouesse technique et placer toute l’interprétation sous le signe de la virtuosité poétique. On reste admiratif de l’étourdissante mobilité de son jeu, du naturel avec lequel il saisit instantanément l’esprit, la couleur de chaque variation – on lui sait gré, tout comme au chef, d’épargner toute hypertrophie glucosée à la XVIIIe variation. Sous ses doigts l’ouvrage se déploie, d’une grande coulée (aucune tentation d’introduire une césure entre les variations nos XI et XII ou entre les nos XVIII et XIX), porté par le relief et la vitalité de la direction de D. Reiland. Musique d’abord : au moment du bis, Vondráček opte pour Debussy et ses Pas sur la neige. Et le temps paraît se suspendre : moment extraordinaire de poésie, de dépouillement – dans une acoustique de rêve. Que l’on aimerait découvrir pareil artiste confronté à l’intégralité des Préludes de Claude de France !

Après la pause, Reiland joue à nouveau la carte russe et confronte ses instrumentistes à un autre beau défi avec la version intégrale de L’Oiseau de feu de Stravinski. Magique, le début con sordini de l’Introduction semble murmurer «Il était fois » ; d’emblée une dimension intensément narrative s’impose, dont pas un seul instant l’approche ne se départira. Virtuosité poétique, disait-on au sujet de la Rhapsodie op. 43 : la formule vaut tout autant dans une partition qui expose au plus haut point tous les membres de l’orchestre et en particulier les bois. Ils se distinguent par la richesse de leurs coloris, leurs interventions n’étant que mieux mises en valeur par la trame toujours très aérée que le ballet de Stravinski conserve sous une direction aussi sûre qu’inspirée. Un grand moment d’orchestre, que les auditeurs de Radio Classique auront pu savourer en direct. 
Prochain rendez-vous avec D. Reiland et l’Orchestre national de Metz le 8 mars à l’Arsenal, dans Beethoven (Léonore III), Berg (les Sieben frühe Lieder par la soprano Anne Schwanewilms) et Brahms (1ère Symphonie).

Alain Cochard

(1) Pour en savoir plus sur la Cité Musicale-Metz : www.concertclassic.com/article/les-30-ans-de-larsenal-de-metz-synergies-et-eclectisme

Metz, Arsenal, 28 février 2019 // https://www.citemusicale-metz.fr

Photo © Jean-Baptiste Millot

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