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Lucas Debargue en récital à l’Auditorium de la Fondation Louis Vuitton – Intelligence pianistique – Compte-rendu

Porté sur le pavois par le public à l’issue de son 4ème Prix au Concours Tchaïkovski de Moscou, adoubé par Valery Gergiev, le pianiste Lucas Debargue (25 ans), depuis son retour en France, est l’objet d’une particulière attention médiatique. Programmé dans la série « Piano nouvelle génération » de la Fondation Louis Vuitton, on l’attendait de pied ferme pour un récital d’envergure consacré à Scarlatti, Ravel et Liszt.
 
Les quatre sonates de Scarlatti (K. 24, 132, 141 & 208) qui ouvrent le concert surprennent par la méticulosité de l’interprétation. Chaque note paraît décortiquée avec un luxe d’intentions qui fait perdre de vue la ligne directrice. Toutefois, dans ce jeu savamment pesé, nulle agressivité et une parfaite maîtrise d’un clavier oublieux des marteaux.

Avec Gaspard de la nuit, le résultat est tout autre : Lucas Debargue accentue la théâtralité de la partition avec un profond sens de la narration et un pianisme d’une fluidité quintessenciée. Scarbo devient un véritable feu d’artifice qui prépare avec bonheur à la Sonate en si mineur de Liszt.
La domination des éléments, la hauteur de vue, la gestion du temps, le tuilage entre les épisodes faustiens et méphistophéliques témoignent d’une perception tout autant physique que mentale de cette œuvre phare du romantisme.
En bis, la subtilité de ton, le caractère ondoyant de la 4ème Barcarolle de Fauré sont servis par de longs doigts arachnéens et poètes. Une improvisation jazz inattendue démontre enfin l’artiste a plus d’un tour dans son sac. Un pianiste certes, mais surtout un musicien au fort potentiel intellectuel dont il faudra suivre avec attention l’évolution dans les années à venir.
 
 Michel Le Naour

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Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 24 mars 2016
 
Photo © Felix Broede

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