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Los gavilanes de Jacinto Guerrero au Teatro de la Zarzuela de Madrid - Retour bien servi d’une zarzuela populaire - Compte-rend
Le Teatro de la Zarzuela de Madrid programme une nouvelle production de Los gavilanes, une zarzuela de Jacinto Guerrero (1895-1951) créée en 1923 qui s’est depuis lors maintenue régulièrement à l’affiche. Cette popularité revient notamment à de magnifiques airs, dont la « Flor roja » du ténor, perle justement célébrée par Alfredo Kraus ou Plácido Domingo, au sein d’une partition émaillée de chœurs enlevés et d’une orchestration cohérente. Le livret narre pour sa part un conflit amoureux, comme il se doit : le héros de la fable, de retour dans son village natal, un port… provençal (!), après s’être enrichi dans les Amériques, se prenant de passion pour une toute jeunette. Cette dernière rejettera l’« épervier » (gavilán en espagnol), en allusion au rapace pourchassant les colombes, pour retrouver son promis de toujours. Un prétexte à une musique des mieux inspirées.
Marina Monzó (Rosaura) & Ismael Jordi (Gustavo) © Elena del Real
La version présentée, sans entracte pour une durée d’une heure trois quarts, respecte l’œuvre et sa trame, en dépit de quelques coupures, dans les dialogues parlés (heureuse initiative) mais aussi pour deux passages musicaux : un interlude orchestral (en raison peut-être de cette soirée sans interruption) et une scène d’ensemble, coupures musicales assez regrettables pour un théâtre qui entend défendre son répertoire. La restitution n’en reste pas moins de bon aloi, propre à servir au mieux la partition.
Dans sa programmation de spectacles se succédant de jour en jour, le Teatro de la Zarzuela prévoit souvent deux distributions vocales en alternance. Comme c’est ici le cas. Nous avons ainsi assisté à deux soirées, afin de juger des deux interprétations. La distribution première réunit des noms consacrés, qui n’ont pas failli à leur réputation : le baryton Juan Jesús Rodríguez dans le rôle principal de Juan (l’épervier en question), le ténor Ismael Jordi pour Gustavo, le promis de la jeunette, la soprano Marina Monzó pour la jeunette désespérée Rosaura, la mezzo María José Montiel pour la mère Adriana.
La seconde fait place à de jeunes chanteurs, non encore illustres mais tout aussi bien distribués. On relève particulièrement Alejandro del Cerro, ténor d’une vaillance à toute épreuve (avec un « Flor roja » d’anthologie), quand Jordi se faisait davantage délicat. Un ténor à suivre. Leonor Bonilla réserve pour sa part une Rosaura des plus lyriques. Quant au baryton Javier Franco, il prend mieux sa juste mesure au fil de la soirée.
Deux excellentes distributions, dans une œuvre où le chant soliste a la part belle. Parmi les seconds rôles, présents d’une soirée à l’autre, se détachent Esteve Ferrer pour un pétulant Gendarme Triquet et Lander Iglesias pour un vigoureux Clavirán, le maire de la petite commune. Le chœur titulaire du théâtre (préparé par Antonio Fauró) intervient avec élan et précision dans ses nombreuses apparitions. L’orchestre, celui de la Communauté de Madrid, également titulaire du théâtre, accomplit un sans-faute sous la direction claire de Jordi Benàcer.
© Javier del Real
Quant à la mise en scène, signée Mario Gas, elle illustre le sujet avec ce qu’il faut d’entregent animé sous des costumes façon début XXe siècle, dans un cadre de décors conçus par Ezio Frigerio figurant un village français de carton-pâte (ce qui est bien le propos) derrière des balancements de gigantesques bras de grue (puisque d’un port il s’agit) entre de rapides changements adaptés à cette représentation tout d’une traite. Tout à fait l’esprit de l’œuvre. On déplorera seulement, pour ce retour bienvenu, l’absence de retransmission en streaming (ce qui avait été le cas des productions de la saison précédente, au prétexte de la pandémie), préjudiciable à qui ne pourrait s’offrir le voyage obligé à Madrid.
Pierre-René Serna
Jacinto Guerrero : Los gavilanes, Teatro de la Zarzuela de Madrid, 16 et 17 octobre ; prochaines représentations : 20, 21, 22, 23 et 24 octobre 2021 //
teatrodelazarzuela.mcu.es/es/
Photo © Elena del Real
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