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L’Orchestre de Paris inaugure le Festival ManiFeste 2022 à la Cité de la musique - Faste orchestral et électroacoustique - Compte-rendu

 

Dans la salle de la Cité de musique, le concert d’ouverture du festival ManiFeste de l’Ircam convoque l’Orchestre de Paris et une polyphonie électroacoustique, pour célébrer des figures marquantes de la musique d’aujourd’hui. En ouverture de programme, Philippe Manoury est ainsi à l’honneur, qui fête cette année ses 70 ans (précisément le 19 juin) entre de multiples concerts et manifestations comprenant ou illustrant ses œuvres.(1) Ring, premier volet de la Trilogie Köln, créé en 2016 à la Philharmonie de Cologne, se déploie avec faste. L’orchestre au grand complet est distribué au parterre sur scène et sur les deux balcons de côté, pour un effectif d’environ cent vingt musiciens. Après un échauffement où les instrumentistes jouent des fragments à l’entrée du public, l’effet s’ensuit immédiatement saisissant, distribuant dans l’espace des sonorités diaphanes ou exacerbées. Une œuvre capitale de la musique contemporaine, héritière des fameux Gruppen de Stockhausen, dans des couleurs impressionnistes démultipliées.
 

Lin Liao et Philippe Manoury © Bertrand Desprez

Après l’entracte, succède, en formation orchestrale réduite sur le seul plateau, la création de la nouvelle version d'Intrusions, pièce de  la Japonaise Misato Mochizuki (née en 1969). Crissements, envols, gazouillis et effets statiques se mêlent et s’entremêlent d’un contrepoint électroacoustique très présent de même facture. Page séduisante, sans l’éclat toutefois de la précédente.
 
Le concert prend fin avec Come Play With Me, « Chants d’amour et de souffrance pour une utopie déchue », de l’Italien Marco Stroppa (1959), en création française. Cette fois, la musique se fait plus intérieure, entre frôlements, frottements, puis emportée par des sursauts d’orchestre (en formation plus grande, toujours sur le plateau), avec un appoint électroacoustique qui va s’intensifiant jusqu’à un final où il intervient seul, en forme d’apothéose dans la salle plongée dans le noir. Œuvre impressionnante, bien dans la veine de ce compositeur  (dont on avait déjà apprécié l’opéra Re Orso en 2012 à l’Opéra-Comique), faisant cohabiter lyrisme et complexité.
 
La Taiwanaise Lin Liao (photo), élève de Péter Eötvös et cheffe très versée dans le répertoire contemporain, dirige l’orchestre avec franchise et souplesse, en parfaite symbiose avec une électronique Ircam savamment conçue et dosée par les soins  de Carlo Laurenzi et Robin Meier. Prometteuse entrée en matière pour ManiFeste 2022  !

 
Pierre-René Serna

(1) Parmi les temps forts de l’année du 70e anniversaire on notera la reprise Kein Licht, « Thinkspiel » sur un texte d’Elfriede Jelinek, les 24, 25 et 26 juin au Holland Festival d’Amsterdam, dans la mise en scène de Nicolas Stemann et sous la baguette de Julien Leroy / www.hollandfestival.nl/en/kein-licht-2011-2012-2017
 
Paris, Cité de la musique, Salle des concerts, 8 juin 2022 // manifeste.ircam.fr

Festival ManiFeste, jusqu’au 2 juillet 2022

Photo © Bertrand Desprez

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