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Lohengrin au Teatro Real de Madrid – Un Wagner pour playstation - Compte-rendu
Dans cette nouvelle production de Lohengrin présentée au Teatro Real de Madrid en hommage à Gerard Mortier, ni présence de rats (comme chez Hans Neuenfels à Bayreuth en 2010), ni construction en direct d'un chalet suisse (comme chez Richard Jones à Munich en 2009), mais une référence appuyée au bunker de Paul Steinberg dans lequel Robert Carsen avait situé l'intrigue à Paris en 1996 (spectacle repris jusqu'en 2007 à la Bastille, défendu notamment par le regretté Gösta Winbergh). Le décor unique d'Alexander Polzin est en effet une horrible grotte en carton pâte qui semble avoir été copiée à partir d'un jeu vidéo piraté, dans lequel Lukas Hemleb s'est contenté de faire entrer son sujet sans avoir pris le moindre recul. Livrés à eux-mêmes, sans indication scénique, les interprètes vêtus d'affreux costumes, face au public, « jouent » la sobriété, entourés de chœurs massifs tout droit sortis des profondeurs d'une mine. Difficile dans ces conditions de comprendre les motivations du Roi Heinrich, surgi de nulle part, pour soulever les Brabançons contre l'envahisseur hongrois, après neuf ans de trêve !
Là où Carsen avait su conserver les éléments magiques et surnaturels en soignant l'arrivée du Chevalier notamment, Hemleb préfère la désacralisation : ni cygne, ni nacelle, ni armure, mais un Lohengrin en pyjama qui sort de la foule sans aucune aura. Comment rêver en découvrant Christopher Ventris, la cinquantaine grisonnante, petit et bedonnant, lorsque la musique de Wagner nous promet une apparition à couper le souffle ? Le second acte accumule les platitudes, tandis qu'au troisième après les révélations du héros, le peuple du Brabant découvre ahuri le Prince Gottfried, héritier du trône et frère d'Elsa, évincé par la magicienne Ortrud, sous la forme d'un totem, accueilli dans la liesse comme le porteur de tous leurs espoirs. Consternant !
Fort heureusement le plaisir procuré par la direction pleine de fougue d'Hartmut Haenchen rattrape notre agacement. Chef « à l'ancienne », le maestro allemand connaît son Wagner sur le bout des doigts et tire le meilleur d'un Orchestre du Teatro Real très concerné, qui répond à ses sollicitations avec une constante vivacité et un lyrisme assumé. Dans le rôle-titre Christopher Ventris a encore du répondant, même si les nuances sont limitées surtout pendant le récit du Graal au 3 et si la ligne de chant assez monocorde se réfugie dans un mezzo forte qui finit par lasser.
Belle surprise en revanche avec l'Elsa mordante de Catherine Naglestad, très à l'aise dans le vocable allemand, aux phrasés nourris, aux registres stables, avec un grave charnu plus développé que chez d'autres sopranos (Annette Dash ou Anja Arteros, deux grandes titulaires actuelles) et un aigu puissamment soutenu ; si elle joue peu on décèle cependant une jolie présence.
On retrouve avec bonheur Deborah Polaski en Ortrud - elle qui ne nous avait guère convaincu en 1997 au Châtelet dans le spectacle de Kupfer dirigé par Barenboïm -, certes desservie par d'odieux costumes bariolés, mais dont on admire les très beaux restes vocaux, contrôlés avec intelligence, qui lui permettent d’incarner à 65 ans, ce personnage malfaisant avec une entière autorité. A ses côtés le baryton Thomas Johanes Mayer confirme en Telramund de formidables moyens mis au service d'une interprétation fouillée, au même titre que Franz Hawlata, Roi engagé et qu’Anders Larsson, Hérault vif et percutant, entourés d'un chœur puissant.
François Lesueur
Wagner : Lohengrin – Madrid, Teatro Real, 17 avril, prochaines représentations les 24 et 27 avril 2014.
www.teatro-real.com/es
Photo © Javier del Real
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