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Les Sept Dernières Paroles de Notre Sauveur sur la croix de Haydn par Leonardo García Alarcón et l’Orchestre de Chambre de Paris - Un chemin de vie - Compte rendu

Pour le chef et claveciniste argentin Leonardo García Alarcón, diriger Les Sept Dernières Paroles à Notre-Dame de Paris fut à l’évidence une expérience marquante. Baroqueux averti, formé au Centre de Musique de Musique Ancienne de Genève en particulier, fondateur de la Capella Mediterranea en 2005 et directeur du Chœur de Chambre de Namur depuis 2010, Alarcón a en lui cette étincelle qui donne vie au répertoire le plus compassé. A plus forte raison pour ce programme composé de merveilles dont le public français n’est pourtant pas vraiment familier.
 
Car Haydn est un homme à surprises, et le chef-d’œuvre que sont ces Sept Dernières Paroles de Notre Sauveur sur la croix, il l’a décliné sous de multiples formes, allant de l’orchestre au quatuor à cordes, puis à la réduction pour clavier, et enfin sous cet habit d’oratorio, en 1795. Certes on connaît surtout la version quatuor dont la pureté, la sobriété ascétique tracent des lignes de force au sein d’une démarche de recueillement total. Bizarrement, avec la version oratorio, imaginée par un chanoine allemand et refaite ensuite entièrement par Haydn, surpris autant qu’intéressé par cette vie nouvelle donnée à son œuvre, on plonge dans un climat très différent, même si les paroles sacrées la scandent aussi puissamment. On retrouve ici l’orchestre de La Création, composée dans le même temps, et des Saisons, quelques années après, et une sorte de vitalité rayonnante qui contraste sans la brider avec la véhémence des appels du supplicié. L’opulence de l’orchestration, l’expressivité des airs portés par les voix féminines, plus encore que les voix masculines, l’agencement des chœurs, ici ceux de la Maîtrise Notre-Dame de Paris et du Chœur d’enfants, procèdent d’un acte de foi moins sombre que dans la version épurée pour cordes.
 
L’Orchestre de chambre de Paris y a confirmé qu’il était en pleine ascension, répondant à la baguette souple et vive d’Alarcón d’un même chaleureux élan. D’autant que le quatuor vocal réuni, était lui aussi d’une remarquable homogénéité, de la sombre basse de Konstantin Wolff et de l’élégance très baroque de Zachary Wilder à la chaleur de l’alto Marie-Claude Chappuis et surtout au modelé délicat, au timbre doré de la soprano Sophie Klussmann, d’ampleur modeste certes, mais d’une musicalité parfaite. Le message est passé, et, grâce divine sans doute, l’acoustique pâteuse de Notre-Dame, dont les voix pâtissent tant habituellement, n’a pas gêné cette méditation grandiose, qui prenait là une grandeur accrue.
 
Choc aussi que le merveilleux Psaume 42 de Mendelssohn, Wie der hirsch schreit, pièce majeure de ce trésor patrimonial allemand que les Français fréquentent peu: une pointe d’orgue pour le rehausser comme de lettres d’or, et voici ce chant d’amour vibrant à la Création et au Créateur, écrit à une époque heureuse de la vie du compositeur puisqu’à 28 ans, il le composa durant son voyage de noces. Dire qu’on y retrouve l’esprit haydnien joint à la dynamique et à la fraîcheur du compositeur du Songe d’une nuit d’été donne le la de ce concert aussi intelligent dans sa conception que beau dans son exécution.
 
Jacqueline Thuilleux
 
Paris, Notre Dame de Paris, 4 mars 2015.

Photo © DR

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