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Les Puritains à l’Opéra Bastille – Grandiose Arturo de Javier Camarena – Compte-rendu

Ces Puritani squelettiques montés par Laurent Pelly en 2013 ne nous avaient pas laissé de souvenir impérissable. Retravaillé pour gagner en rythme et en nervosité, le spectacle tient désormais la route, même si certaines options mériteraient d'être traitées avec plus de rigueur. Stylisé à l'extrême, le décor de château esquissé telle une maquette, un procédé déjà utilisé par Chantal Thomas dans la pièce de Hugo Mille francs de récompense vue à l’Odéon en 2011, confère à l'intrigue un aspect bande-dessinée plutôt intéressant, d'autant qu'il est renforcé par une direction d'acteur volontairement naïve.

Igor Golovatenko (Riccardo), Elsa Dreisig (Elvira) et Nicolas Testé (Giorgio) © Sébastien Mathé - Opéra National de Paris

La distribution entièrement renouvelée par rapport à l'original est largement dominée par la gent masculine. Javier Camarena (photo) est tout simplement le plus grand Arturo du moment ; son chant suave, raffiné et d'une virtuosité confondante hisse sa prestation au sommet de la pyramide. Succédant à Michele Pertusi, aux moyens émoussés, Nicolas Testé apporte une calme autorité à Giorgio tandis que la voix saine et solidement projetée du baryton russe Igor Golovatenko (une découverte) n'a aucune peine à faire oublier la prestation incolore de Mariusz Kwiecien en Riccardo. Luc Bertin-Hugault (Gualtiero), Jean-François Marras (Bruno) et Gemme Di Bhriain (Enrichetta) sont d'honnêtes comprimari superbement entourés par les choristes de l'Opéra, reposés et dispos.
 

Elsa Dresig (Elvira) & Javier Camarena (Arturo) © Sébastien Mathé - Opéra National de Paris

Reste le cas d'Elsa Dreisig : modeste Zerlina dans le Don Giovanni d'Ivo van Hove en juin dernier, voilà la jeune soprano catapultée dans le rôle complexe d'Elvira. Celle-ci n'a pas froid aux yeux et fait tout pour qu'on la remarque. Les moyens ne sont pas exactement ceux exigés par Bellini, mais la musicienne sait contourner les difficultés (les aigus de « Ah vieni al tempio » sont passés à la trappe, les variations et les ornementations sont limitées), ou les affronter en bon petit soldat kamikaze (chant agressif dans la scène d'entrée et au final) avec une fougue qui frise l'inconscience. Sa façon de surjouer la folie de l'héroïne – une folie passagère rappelons-le et hautement romantique – et d'hystériser chacune de ses apparitions comme si Elvira était la sœur de Lucia di Lammermoor et méritait la camisole, aurait dû cependant être plus sérieusement canalisée. Car à trop en faire pour se départir de l'impassible Maria Agresta en 2013, Elsa Dreisig prend le risque d'irriter et de passer à côté d'un personnage qui lui échappe et que d'autres avant elle ont sublimé, de Callas à Sutherland en passant par Anderson. Exigeant et inspiré par cette partition, Riccardo Frizza dispose d'une phalange en or qui devance avec avidité ses moindres demandes et restitue avec élégance l'esprit bellinien.
 
François Lesueur

Bellini : Les Puritains – Opéra Bastille, 7 septembre ; prochaines représentations les 10, 13, 17, 20 25 septembre et les 2 et 5 octobre 2019 / www.concertclassic.com/concert/les-puritains
 
 
Photo © Sébastien Mathé – Opéra National de Paris

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