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Les Puritains de Bellini à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège – Apogée belcantiste – Compte-rendu

Avec Les Puritains (1835)de Bellini, dernier ouvrage d’un compositeur qui s’éteindra prématurément huit mois après sa création au Théâtre-Italien, l’Opéra Royal de Wallonie clôt sa saison dans la splendeur belcantiste. Pour sublimer l’une des partitions les plus complexes du répertoire, où les passions humaines sont exacerbées jusqu’à l’extrême (l’œuvre est ici donnée dans son intégralité), l’institution liégeoise a rassemblé une distribution exceptionnelle.
 

Lawrence Brownlee (Arturo) © Opéra Royal de Wallonie
 
Le metteur en scène Vincent Boussard entend valoriser le théâtre de Bellini, souvent négligé au profit de la musique pure, cela avec une profusion d’idées qui complexifient le propos mais apportent de l’épaisseur à l’assez médiocre livret du comte Pepoli. Derrière le conflit historique entre partisans de Cromwell (les vainqueurs) et les Stuarts (les vaincus), se profile dans une dimension psychologique où les personnages se réalisent davantage par leurs états d’âme que dans l’action proprement dite. Seule l’intervention d’Arturo qui sacrifie son amour pour sa fiancée Elvira en fuyant avec Enrichetta, la veuve du roi Charles Ier menacée de décapitation au nom de sa fidélité à la royauté, renvoie aux événements politiques.
 
Assez traditionnels, les décors de Johannes Leiacker, éclairés par les lumières tamisées de Joachim Klein, laissent apparaître la plupart du temps dans l’ombre un bâtiment en arc de cercle de type Renaissance avec balustrades et promenoirs où la foule peut évoluer librement. Au centre du plateau un piano trône, déplacé au gré des scènes – référence au romantisme de l’époque de Bellini et de Chopin. Les costumes de Christian Lacroix, d’une belle variété, oscillent entre habits d’époque et tenues bourgeoises du XIXe siècle. L’identification d’Arturo Talbot avec Bellini est assez frappante, et dès le prologue, avant le bal costumé préparatoire aux noces d’Elvira et d’Arturo, une assemblée est réunie sur la tombe ouverte du compositeur. Un rideau de tulle contribue à entretenir l’illusion du rêve, puis la réalité reprend ses droits in fine lorsque les deux héros ressuscitent au milieu de l’assemblée en fête.
 

© Opéra Royal de Wallonie

Le distribution est dominée par la prestation exceptionnelle du ténor américain Lawrence Brownlee (photo à dr.), spécialiste du rôle d’Arturo sur les scènes internationales. Face aux redoutables exigences d’un rôle qui va jusqu’au contre-ré, il fait preuve d’une solidité, d’une assurance, d’une vaillance, d’un mordant et d’une projection jamais pris en défaut. L’Elvira de Zuzana Marková (photo à g.) n’est pas en reste, avec une virtuosité assumée, une grande densité dans l’émission et une émotion prenante dans la scène de la folie. Elle sait montrer la progression de ses sentiments depuis les débordements amoureux jusqu’à la dégradation de son état. En amoureux éconduit, Mario Cassi incarne un Riccardo au noble phrasé, d’une belle prestance jusque dans son désarroi ; Alexise Yerna (Enrichetta) apporte à ses interventions tension et justesse stylistique, et la belle voix de basse d’Alexei Gorbatchev sied à Lord Gualtiero. Les personnages secondaires sont tenus avec justesse par Luca Dall’Amico (Sir Giorgio) et Zeno Popescu (Bruno Roberton), tandis que Sofia Pintzou, dans un rôle muet, incarne une femme à la fois spectatrice et actrice du drame.
 

Speranza Scappucci © speranzascappucci.com

Speranza Scappucci, directrice musicale de l’Opéra de Liège depuis 2017, contribue par son énergie et sa connaissance du style bellinien à la réussite d’un spectacle qu’elle tient à bout de bras. Brassant la pâte sonore et négociant avec souplesse les transitions entre les moments de lyrisme et les passages héroïques annonciateurs de Verdi, elle obtient de l’excellent Orchestre Royal de Wallonie-Liège richesse de coloris et plénitude envoûtante. Sa battue raffinée et inspirée parvient à un subtil équilibre entre orchestre, chanteurs et chœurs. Ces derniers, préparés par Pierre Iodice, entretiennent par leur présence et leur homogénéité l’intensité qui parcourt le spectacle trois heures durant. Grande fin de saison pour l’Opéra Royal de Wallonie !

Michel Le Naour

Bellini : Les Puritains – Opéra Royal de Wallonie, 16 juin ; prochaines représentations les 20, 22, 25 et 28 juin 2019 // www.operaliege.be/spectacle/i-puritani/

 Photo © Opéra Royal de Wallonie

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