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Les Leipzigois à Luxembourg – Nuance et émerveillement


A la Philharmonie de Luxembourg, comme au Théâtre des Champs-Elysées où l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde s’est produit il y a peu, la rentrée consistait en un rendez-vous avec l’une des plus prestigieuses phalanges symphoniques du vieux continent : l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Si Fabio Luisi vient de prendre les rênes de Dresde, Riccardo Chailly (photo) est pour sa part directeur musical de sa formation depuis 2005 et récolte les fruits de la belle complicité qu’il a su établir avec ses musiciens au cours des trois saisons écoulées.

La suite du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn ouvre la soirée. Hommage bien compréhensible des Leipzigois à celui qui fut le premier chef permanent de l’orchestre ; hommage synonyme de nuance et de poésie. Lorsque les dernières notes de l’œuvre résonnent, un rêve semble s’achever… D’un bout à l’autre, l’oreille aura été subjuguée par la délicatesse d’une interprétation qui conjugue une belle vivacité des tempi, quand cela est requis, avec une subtilité de la palette sonore peu commune. A l’évidence Chailly se régale de l’acoustique extrêmement précise, mais jamais sèche, ni froidement analytique, d’une salle qu’il découvre à l’occasion de ce concert. Sans une once de maniérisme, il distille la féérique partition avec un émerveillement constant (le Notturno se mue en parfum de musique sous sa baguette …). Et les fées lui sont d’exquises conseillères, jusqu’à l’archi-rebattue Marche nuptiale, débarrassée de tout cliquant et rendue à sa fraîcheur originelle.

Pareil raffinement poétique fait attendre avec impatience la seconde partie de la soirée que la formation, rejointe par le Chœur de l’Opéra de Leipzig, consacre à Daphnis et Chloé. Emblème de la grande tradition symphonique allemande, l’Orchestre du Gewandhaus n’est pas celui que l’on associe le plus immédiatement à la musique de Ravel, mais l’intelligence poétique et la justesse stylistique de l’interprétation de Chailly ont vite fait d’emporter l’adhésion. A nouveau, c’est bien d’émerveillement qu’il convient de parler pour décrire la conception du maestro italien. Fabuleux de fluidité et de lyrisme, son Daphnis se refuse à tout effet, toute concession au spectaculaire, mais l’on est captivé par la musicalité de ce Ravel d’esthète. La palette sonore des Leipzigois fait des miracles et permet au chef d’exploiter les merveilleuses combinaisons de timbres d’une partition qui aura rarement sonné de façon aussi moderne – d’autant que l’acoustique la « porte » dans les plus infimes pianissimi et l’autorise à s’épanouir lorsque la musique se déchaîne.

Impeccables de justesse et d’attention aux intentions de Chailly, les choristes leipzigois apportent une contribution de taille à une approche aussi cohérente que poétique. Une ouverture de grande classe pour saison riche de passionnants rendez-vous, dans les domaines les plus variés.

Alain Cochard

Philharmonie de Luxembourg, le 15 septembre 2008. Pour découvrir la saison de la Philharmonie de Luxembourg : www.philharmonie.lu

Le compte rendu de Jacques Doucelin sur l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde

Photo : DR

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