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Les Gurrelieder dirigés par Sir Simon Rattle à Berlin
Ainsi guidées, les sonorités des Philharmoniker peuvent s’enfler et se répandre en formidables ondes, de l’emphase wagnérienne la plus exacerbée à des transparences de cristal, à des scintillements d’étoiles, ou se faire agressives, corrosives. Sans doute un régal pour des musiciens aussi polyvalents. Mais la difficulté des Gurrelieder réside aussi, ce qui en limite les exécutions, dans l’énormité du plateau vocal à rassembler, outre la présence d’importants effectifs choraux. Celui proposé ici était exceptionnel, même s’il n’incluait pas de vedettes, à l’exception de Soile Isokoski, à laquelle il ne reste plus que la souplesse de son beau phrasé straussien, tandis que Stephen Gould était un Woldemar d’une ampleur démesurée, et pourtant jamais forcée, et que l’opulent mezzo de Karen Cargill se faisait velours ou fouet pour l’appel déchirant de l’Oiseau. Brèves, mais percutantes interventions de Burkhard Ulrich et de Lester Lynch et quel bonheur que de retrouver, l’intelligence de la diction de Thomas Quasthoff, aussi parfait dans son rôle parlé que dans le chant qu’on lui a connu.
On restera sur l’image d’une sorte bataillon musical, disposé en strates, de l’orchestre aux chœurs et au public qui les surplombe grâce à l’architecture circulaire de la salle de la Philharmonie. Au pied de cette pyramide inversée, le plus subtil, le plus inspiré des chefs d’aujourd’hui, chantant, vibrant comme à ses vingt ans : la vie la plus ardente pour animer cette histoire de mort. Bouleversant.
Jacqueline Thuilleux
Berlin – Philharmonie, 26 octobre 2013
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