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« Les Dits du Fou » à la Péniche Opéra – Jusqu’au bout de la folie - Compte-rendu

La France est souvent en retard de quelques trains s’agissant de la création artistique outre-Manche. On croit rêver en constatant que les Eight Songs for a Mad King de Peter Maxwell Davies, ouvrage daté de 1969, auront dû attendre 2014 pour être pour la première fois donnés chez nous…
Les paroles d’un monarque fou, George III, mises en livret par Randolph Stow, ont inspiré au compositeur britannique une œuvre où un petit ensemble instrumental accompagne un baryton dans une performance tout à la fois vocale (qualificatif à prendre dans le sens le plus large qui se puisse imaginer) et théâtrale bien difficile à qualifier tant elle nous mène au bout de la folie. Inclassable partition qui, sous les dehors - passez-moi la formule - d’un radical « pétage de plombs », s’appuie de fait sur une construction d’une rigueur implacable.

La France aura donc longtemps fait languir les Eight Songs, mais ils ont trouvé leur interprète en la personne de Paul-Alexandre Dubois (photo). De ce baryton et homme de théâtre étonnant, nul n’oublie la mise en scène (et l’interprétation) de L’Opéra de quatre notes de Tom Johnson - à la Péniche, mais aussi au Théâtre de l’Athénée et sur diverses scènes régionales. On n’est pas près d’oublier non plus la façon dont il a investi (sidérant exercice de mémorisation que celui auquel il faut se livrer ici !) et défendu l’ouvrage de Maxwell Davies, avec la complicité de l’ensemble Les Noces dirigé par Nicolas Krüger. Pas une once d’outrance dans sa prestation, mais un saisissant maximalisme qui nous conduit au bord de l’abîme. Vertigineux !

C’est plutôt la sensation d’un sol se dérobant sous les pieds qui se dégage de Mots bruts d’Alexandros Markéas, partition très étale dans sa conception par rapport à celle, éminemment contrastée, de l’Anglais. Markéas s’est servi d’écrits de personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques suisses entre 1880 et 1920. Second volet du spectacle « Les Dits du Fous », sans doute souffre-t-elle du voisinage assez écrasant des Eight Songs, mais la prestation de Paul-Alexandre Dubois n’en demeure pas moins extrêmement troublante. Sorte d’onirisme de la folie que ce qu'exhalent ces Mots bruts.
La Péniche Opéra n’en a d’ailleurs pas fini avec la folie puisqu’elle accueille, du 28 au 30 mars, L’Île des Fous d’Egidio Duni (1709-1775). Ce bijou méconnu de l’opéra-comique français sera mis en scène par Mireille Larroche et dirigé par Jérôme Corréas.
Alain Cochard

« Les Dit du Fou » (P. Maxwell Davies : Eight Songs for a Mad King / A. Markéas : Mots bruts) – Paris, Péniche Opéra, 15 mars 2014

Photo © Thierry Beauvir
 
Duni : L’Île des fous
28, 29 et 30 mars 2014
Paris – Péniche Opéra
www.penicheopera.com

Photo © Thierry Beauvir

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