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​Les Contes d’Hoffmann au Festival Opéra des Landes 2022 – Voulez-vous le récit de ces folles amours ? – Compte-rendu

 
Depuis plus de vingt ans, la ville de Soustons propose chaque été un festival d’art lyrique, essentiellement grâce à la passion d’un homme, le chanteur et metteur en scène Olivier Tousis. Les plus grands titres du répertoire ont ainsi été présentés, au prix d’efforts sans cesse renouvelés, avec un budget que bien d’autres manifestations jugeraient peut-être dérisoires, mais avec des résultats dont la qualité artistique ne s’est jamais démentie. Et voilà hélas que le festival Opéra des Landes semble devoir connaître cette année sa dernière édition, les représentations des Contes d’Hoffmann venant mettre un terme à ces « folles amours », l’expression que Barbier et Carré prêtent au poète pouvant aussi s’appliquer à ces vingt et une saisons proposées au public depuis 1998. Pari ambitieux que de monter le testament offenbachien, mais pari relevé haut la main, une fois de plus.
 

© Philippe Courtesseyre
 
Après deux années où les spectacles s’étaient transportés en plein air pour devenir plus aisément « Covid-compatibles », le festival revenait cette année dans la salle de la médiathèque municipale. 2022 aurait aussi dû voir le retour de l’orchestre, mais la pandémie a encore fait des siennes, et il a fallu in extremis remplacer la formation d’une douzaine d’instrumentistes initialement prévue par une pianiste, Valeriya Kucherenko, et un harpiste, grâce auxquels les représentations ont malgré tout pu être maintenues. C’est Olivier Tousis lui-même qui, assis à côté des instruments, dirige le spectacle et donne leurs départs aux chanteurs, imprimant au spectacle un rythme haletant, avec des tempos généralement rapides, voire très rapides.
On entend ici la version Oeser des Contes d’Hoffmann, la première à avoir rétabli tous les superbes airs de la Muse, mais à laquelle a néanmoins été rajouté « Scintille, diamant ». L’acte de Venise n’y trouve pas vraiment un aspect plus convaincant, le musicologue allemand ayant fait un usage assez curieux des manuscrits qui lui avaient été confiés, mais l’œuvre y retrouve une certaine grandeur dont elle était restée trop longtemps dépouillée par des coupures abusives.

Dans les décors élégants et évocateurs de Kristof T’Siolle, qui permettent des transitions fluides d’un acte à l’autre, la mise en scène opte pour une certaine sobriété, sans chercher la relecture à tout prix. Si Spalanzani devient ici une sorte de gourou de secte dont les adeptes seraient eux-mêmes des humains aux allures d’automate, les deux autres actes se montrent tout à fait respectueux de l’esprit du livret. Les costumes signés Rouge Juliette contribuent à cette impression, Antonia revêtant une robe Empire qui rappelle celle de Christiane Eda-Pierre dans la production Chéreau, tandis que l’acte de Venise devient une très chic soirée masquée.

© Philippe Courtsseyre
 
Quant à la distribution, Opéra des Landes a su, là encore, réunir une équipe parfaitement à la hauteur des enjeux. Bien qu’à peine remis du Covid, qui l’a empêché de participer pleinement aux répétitions, Avi Klemberg surmonte sans difficulté apparente toutes les embûches du rôle-titre : en termes de puissance comme du point de vue du style, le ténor français est un Hoffmann parfaitement convaincant. Après avoir été Rigoletto en 2017, puis Dulcamara en 2020, Kristian Paul incarne cette fois les quatre diables, d’autant plus redoutables qu’il leur prête un visage souriant, avec une voix noire à souhait. Chez lui aussi, la déclamation est magistrale (notamment dans le trio avec Crespel et Hoffmann, pris à grande vitesse) et l’aigu d’une belle facilité. Actrice versatile, Jiyoung Kim parvient à donner une physionomie et une allure nettement caractérisées à chacune des « trois femmes dans la même femme » : d’abord poupée Barbie dotée de ses mini-accessoires, puis jeune fille malade et aimante, et enfin froide courtisane de luxe. La voix répond idéalement aux exigences de la partition telle qu’Offenbach l’avait conçue pour la créatrice, tant dans la virtuosité d’Olympia que dans les élans romantiques d’Antonia. Complétant de quatuor, la Colombienne Catalina Skinner campe un Nicklausse plein d’énergie, qui brille particulièrement dans le haut de la tessiture.
 

© Vincent Lajus
 
Dans le rôle de Spalanzani et de trois des quatre valets (notamment un Frantz qui se prend pour Pavarotti), on a la bonne surprise de retrouver Richard Delestre, applaudi dans plusieurs spectacles des Frivolités Parisiennes. Maela Vergnes confère une présence impressionnante à la Mère d’Antonia. Marc Souchet est un éloquent Crespel, rôle auquel il ajoute ceux de Luther et de Schlemil. Comme chaque année, le chœur amateur d’Opéra des Landes remplit très dignement son contrat.
On souhaite à présent qu’Opéra des Landes puisse malgré tout poursuivre ses folles amours, et qu’une solution soit rapidement trouvée pour démentir la rumeur de dernière édition.
 
Laurent Bury

Offenbach : Les Contes d’Hoffmann – Soustons, Espace Roger Hanin, vendredi 22 juillet 2022 / www.opera-des-landes.com/
 
Photo © Philippe Courtesseyre

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