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L’Ensemble William Byrd aux Collège des Bernardins - Alchimies stimulantes - Compte-rendu


A deux pas de la Montagne Sainte-Geneviève, le Collège des Bernardins parfaitement réhabilité s'impose aujourd'hui comme un lieu privilégié pour faire de la musique autrement à Paris. Des cycles spécifiques y retiennent l'attention des mélomanes curieux et l'affluence est là, qui prouve que tout un public est ici demandeur dans des programmes, si j'ose dire, non formatés.

Ainsi le concert de l'Ensemble William Byrd abordait tout récemment le passionnant répertoire des contrafacta aux XVIème et XVIIème siècles, sous la conduite de son fondateur Graham O'Reilly qui à la fois chanteur, organiste et chef d'orchestre, réussissait une stimulante transposition sacrée de la leçon d'humanité de Monteverdi, inventeur de la Seconda Prattica,ce nouveau courant musical ciblant essentiellement, à partir de ses 4ème et 5ème livres de madrigaux à 5 voix (1603 et 1605), le pouvoir du texte et la pleine restitution des affects.

Plus précisément, la mise en regard des originaux profanes avec les contrafacta spirituels qu'en réalisa le chanoine milanais Coppini, ardent supporter du Crémonais, prend un relief particulier dans l'approche toute de sensibilité des Byrd qui réussissent mieux qu'une peinture du mot: l'acclimatation au sanctuaire d'un style et d'un son faits au départ pour les émotions amoureuses. Exemples de ce savoir-faire: la métamorphose du voluptueux Si ch'io vorrei morire, devenu fervent contrafactum (O Jesu mea vita) sous la plume de Coppini, puis celle du vrillant et chromatique Piagne e sospira dont le même Coppini a fait la plainte quasi liturgique du Plorat amare.

Reste le moment majeur de la soirée: la confrontation du Lamento d'Arianna - ici mêlé à la version polyphonique à 5 voix que Monteverdi a fait figurer dans son 6ème livre de madrigaux de 1614- et du Pianto della Madonna (pour voix solo et continuo): sans doute le plus emblématique des contrafacta inséré par le compositeur dans la Selva Morale e Spirituale.

Au coeur du Lamento, en particulier, les voix déliées de l'ensemble trouvent sans effort leur vérité expressive, justement guidés par Graham O'Reilly, italianisant valeureux qui, pour autant, n'omet pas de chanter, pour conclure, dans son arbre généalogique: l'Angleterre élisabéthaine et purcellienne. Un masque de Matthew Locke, tiré de Psyché, et surtout un délectable bouquet d'Anthems et de Spiritual Songs de l'Orphée britannique ont conclu en triomphe cette soirée hors normes dans un lieu propice s'il en est aux bonnes surprises musicales.

Roger Tellart

Paris, Collège des Bernardins, 25 novembre 2011

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Photo : Y. Medmoun

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