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L’Ensemble Pygmalion & The Banshies au Festival d’Ambronay 2025 – Ma fin est mon commencement – Compte rendu

Le festival est mort, vive le festival ! Alors que se termine l’édition 2025 du Festival d’Ambronay, Isabelle Battioni, sa directrice, concluait en annonçant la date d’ouverture de la prochaine édition : ce sera le 11 septembre, mais on ne sait peut-être pas encore quelle sera la date de fin, selon que l’on reviendra au format incluant quatre week-ends ou que l’on en restera à trois comme cette année.

The Banshies © Bertrand Pichène
Caldara de Venise à Vienne
Pour l’ensemble The Banshies, cette fin est aussi un commencement. Après avoir testé l’an dernier à Ambronay le programme qu’elles reviennent y interpréter, les quatre instrumentistes l’ont promené un peu partout dans le cadre de S-EEEmerging et s’apprêtent à prendre un nouveau départ : malgré le chaleureux accueil d’un public venu nombreux – le concert affiche complet dans la petite salle Monteverdi – il leur est en effet impossible d’offrir un bis, car elles doivent filer prendre un train afin de réaliser dès le lendemain matin un enregistrement de leur récital conçu autour de la personnalité de Caldara et de son voyage à Vienne. C’est en fait le prétexte d’une exploration des compositeurs italiens que le Vénitien a pu connaître et des musiciens germaniques qu’il a côtoyés dans la deuxième partie de sa vie. Majoritairement des œuvres réunissant les quatre instruments, mais aussi des pages qui mettent tour à tout en avant les membres de l’ensemble, Louise Acabo au clavecin et à l’orgue, Suzanne Wolff au violoncelle, Yaore Talibart et Roxana Rastegar au violon.

Raphaël Pichon et Pygmalion © Bertrand Pichène
Autour des prédécesseurs de J. S. Bach
Lors du concert de 17h, où l’Abbatiale fait également le plein, la fin est un (re)commencement aussi dans le programme concocté par Raphaël Pichon (photo) autour des prédécesseurs de J.S. Bach. Un ensemble de pièces où le chrétien fait ses adieux au monde en lui soutenant bonne nuit, puisque chaque nuit où l’on entre est celle de la Très Sainte Agonie… Parmi les compositeurs antérieurs d’au moins une génération, il y a un certain nombre de membres de la famille Bach : Johann Christoph et Johann Michael Bach, la soirée se concluant sur une des toutes premières cantates du maître de Leipzig. On remonte même assez loin dans le temps, avec Ludwig Senfl (1485-1543), dont la pièce « Ach weh des Leiden » ressortit à une tout autre esthétique, avec le frottement de ses longues notes tenues. Pour Pygmalion, si ce n’est ni un commencement, ce programme ayant déjà été présenté en mai 2024 en Allemagne, ni une fin, puisqu’il sera redonné au cours du mois d’octobre 2025.

© Bertrand Pichène
Un imposant ordonnancement
Conçu comme un rituel que ne saurait interrompre aucun applaudissement, le concert se déroule avec pour seul répit un réaccord nécessaire pour les instruments, la gestuelle millimétrée de Raphaël Pichon imposant un ordonnancement gravé dans le marbre. L’ensemble Pygmalion soutient avec une ferveur de chaque instant les dix chanteurs (trois sopranos, une et un alto, deux ténors, trois basses) dans leurs différentes configurations, quand une volonté de spatialisation les amène une partie d’entre eux à quitter la scène pour se placer au fond de l’Abbatiale, ou que les déplacements minutieusement réglés sur le plateau permettent tour à tour à six des dix voix de venir se placer en position de soliste, à l’avant-scène côté cour.
Arborant un sourire jocondesque, Sabine Devieilhe distillera les divers « Gute Nacht » qui lui sont attribués, mais si Maïlys de Villoutreys et Perrine Devillers n’ont pas de solo pour se mettre en avant, leur présence est loin de passer inaperçue. Lucile Richardot s’empare du « Furchte dich nicht » de Johann Christoph Bach, William Shelton ayant lui aussi une intervention en solo. Zachary Wilder est le seul des deux ténors à être mis en lumière, mais l’on remarque les accents dramatiques d’Antonin Rondepierre.
Parmi les trois basses aux timbres bien distincts, Christian Immler, seul germanophone de l’équipe, se voit confier un texte en latin, le « De profundis » de Nicolaus Bruhns, Tomáš Král se fait lui aussi soliste, mais Renaud Brès n’en est pas pour autant moins bien loti. En guise de bis, la fin reprend le commencement et Sabine Devieilhe répète les « Welt, nu rade zu guter Nacht » du « Nun is alles überwunden » initial d’Adam Drese.
Laurent Bury

Festival d’Ambronay, 28 septembre 2025 Salle Monteverdi, « 47° Nord / Caldara, de Venise à Vienne » ; The Banshies // Abbatiale, « Welt Gute Nacht », Pygmalion, Raphaël Pichon // www.ambronay.org/festival/programmation
Photo © Bertrand Pichène
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