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​Leclair et Senaillé par Théotime Langlois de Swarte et William Christie (Les Arts Florissants/Harmonia Mundi) / Le Disque de la Semaine – Moment de grâce – Compte-rendu

Le concert de Théotime Langlois de Swarte et William Christie au Festival de Menton le 6 août dernier nous avait donné l’occasion de signaler la sortie début juillet de leur disque Leclair-Senaillé. (1) La période du confinement a été propice à la réalisation de quantité d’enregistrements ; dans la pluie de parutions qui s’ensuit il faut prendre garde à ne pas laisser passer une pépite telle que celle-ci car, par-delà l’originalité du programme, la rencontre de deux artistes que nombre d’années séparent réserve un pur miracle d’entente musicale – un authentique moment de grâce.

Leclair : Sonate en mi mineur pour deux violons op. 3/5 ; Gavotte (arrgt T. Langlois de Swarte)
 

© Jean-Baptiste Milllot

Pères de la sonate pour violon en France, Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730) et Jean-Marie Leclair (1697-1764), s’ils ont tous deux connu le succès de leur vivant sont très inégalement considérés par la postérité. Elle se souvient du dernier, bien que sa place dans les programmes ne soit pas à la mesure de son apport à l’histoire de la musique – il s'en faut de beaucoup ! –, tandis que l’aîné apparaît bien oublié. Très injustement !
A l’instar de Leclair, Senaillé séjourna en Italie et tira grand profit de l’exemple des maîtres de la péninsule. « Basses travaillées, remplies de batteries et de difficultés », les mots d’Ancelet (dans un ouvrage publié en 1757) soulignent la richesse harmonique de ses partitions.
 

Senaillé : Sonate en sol mineur op. 1/6 ; Allemanda 

 « Une musique dont il faut s’emparer », remarque Théotime Langlois de Swarte. Et nos deux interprètes d’en faire la démonstration au fil d’un dialogue musical aussi tonique que poétiquement entêtant. Comment ne pas se laisser prendre par la transcription (par le violoniste) de la tendre Gavotte de la Sonate pour deux violons op. 3/5 de Leclair qui ouvre le disque ?  – l’auteur de Scylla et Glaucus étant par la suite représenté par ses Sonates op. 1/5 et op. 2/2, servies d’une manière aussi épurée que vibrante et engagée.
 

© Jean-Baptiste Millot
 

Senaillé : Sonate en ré majeur op. 3/10 ; Allegro assai

Senaillé se taille la plus grosse part du programme avec la Sonate op. 4/5, pour la première fois au disque, et les Sonates op. 1/6, op. 3/10  – dont l’Allegro assai  final (extrait ci-dessus) cite L’Eté de Vivaldi – et la Sonate op.1/5. Capable de passer en un instant d’une légèreté de souffle d’air à une matérialité charnelle et sensuelle, l’archet de Théotime Langlois de Swarte émerveille par sa théâtralité et une éloquence portée par le jeu fouillé et stimulant d’un Christie d’évidence comblé par le partage avec un cadet dont il encourage l’immense talent depuis quelques années déjà.
Point de mention « Vol. 1 » sur ce Senaillé/Leclair ; que l’on aimerait que l’aventure se poursuive ... Et que l’on aimerait, s’agissant de Jean-Marie Leclair, que Théotime Langlois de Swarte aborde sa production concertante au disque. Elle l’attend !  
 

Leclair : Sonate en fa majeur op. 2/2 ; Adagio
 
Pour l’heure, c’est à Ambronay que le violoniste a rendez-vous ce 10 septembre, pour le concert d’ouverture du Festival d’Ambronay (2) qu’il partagera avec ses amis du Consort (Sophie de Bardonnèche, Hanna Salzenstein & Justin Taylor) dans un programme mêlant des pages de Vivaldi, Reali, Albinoni et Gentili
 
Alain Cochard

(1) Senaillé-Leclair, Sonates pour violon et clavecin ; Les Arts Florissants-Harmonia Mundi/HAF 8905292
 

(2) festival.ambronay.org/2021/Representation-733/Rivalita.html

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