Une salle pleine à craquer, un public très diversifié, des grands-parents aux petits-enfants : le succès ne se dément pas pour la saison Prima la Musica ! que Philip de la Croix organise depuis vingt ans à l’Auditorium Cœur de Ville de Vincennes, lieu dont la réputation acoustique n’est plus à faire. Un vrai écrin pour la musique de chambre, à l’honneur avec le Trio Elégiaque (Hélène Collerette, Virginie Constant et Nicolas Stavy) dans un programme réunissant Beethoven, Chostakovitch et Mendelssohn.
 
C’est parmi les réalisations les plus rares de Beethoven que les interprètes ont puisé avec le Trio en si bémol majeur WoO 39, brève pièce sans numéro d’opus en un mouvement, datée de 1812. Simplicité de ton, respiration complice et amicale : le choix de l’ouvrage, comme l’approche qui en est offerte ouvrent idéalement la soirée.
Le ciel s’assombrit avec le Trio avec piano n°2 op. 67 (1944), partition noire, tendue qui, par sa violence, fait souvent songer à l’Epigramme contre Staline de Mandelstam. Les trois interprètes s’y engagent corps et âme et livrent une interprétation d’une rare force, qui sait installer la tension dans le premier mouvement, avant de la libérer ensuite avec le mordant, l’âpreté, la désolation et – puisque les interprètes savent que les joliesses n’ont pas leur place ici – la méchanceté de son que la nature de la pièce appelle, plus, exige. Un vrai coup de poing ! (1)
 

© Concertclassic
 
L’atmosphère s’illumine après la pause, avec le Trio n° 1 op. 49 de Mendelssohn, musique ailée, brillante dont les trois instrumentistes signent une interprétation pleine d’élan et de corps, qui exerce d’autant mieux son charme après la radicalité chostakovienne. Portés par le piano scintillant et fluide de Nicolas Stavy, les mouvements vifs se révèlent admirables de sveltesse et de naturel – d’évidence heureuse ... On ne goûte pas mois le prégnant lyrisme et les coloris subtils de l’Andante. Ravel et Chostakovitch en bis pour achever de combler un auditoire aux anges.
 
Avec un concert par mois de septembre à juin, la saison Prima la Musica ! vous réserve deux rendez-vous encore. Le 24 mai, sur son cher piano Chikering de 1868, Jean François Heisser donnera un programme Mozart, Debussy, Ravel et Schumann, avant que Pierre Génisson et ses invités surprises ne ferment le ban, le 22 juin.
 
Alain Cochard