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Le Quatuor Belcea au 5ème Festival de Pâques d’Aix – Le style et le cœur – Compte-rendu

Depuis le lancement du Festival de Pâques d’Aix en 2013, Renaud Capuçon, son directeur artistique, a toujours veillé à l’équilibre entre artistes renommés et talents à découvrir - tout comme entre les divers genres, du piano solo à l’orchestre, en passant par le répertoire sacrée, la musique de chambre, l’opéra aussi (Gardiner a ouvert l’édition 2017 avec Il Ritorno d’Ulisse de Monteverdi). La fin de journée du 21 avril offrait un parfait exemple de cette préoccupation puisque le fameux Quatuor Belcea se produisait un peu avant The Knights – remarquable jeune orchestre de chambre américain qui faisait sa première apparition française au 5ème Festival de Pâques – associé à Bertrand Chamayou dans un programme aussi diversifié qu’intelligemment pensé (1).

Prélude chambriste au théâtre du jeu de paume donc. Né il y un peu plus de deux décennies, le Quatuor Belcea se range parmi les formations majeures de notre temps et la grande heure passée en sa compagnie n’aura été que bonheur sans mélange.

Des poètes de l'archet à la pointe de la technique ... © Caroline Doutre

Webern d’avant Webern, le Langsamer Satz ouvre le programme ; une pièce de 1905 pétrie d’influences romantiques. Les musiciens britanniques en traduisent la plénitude lyrique, avec de belles couleurs ambrées, sans jamais céder à un épanchement excessif.
Le climat change avec le Quatuor n° 3 de Chostakovitch ; l’acuité stylistique du propos demeure aussi admirable. Avec quel tact les Belcea font-il évoluer l’Allegro initial du goguenard au grinçant ; quelle mystérieuse chorégraphie le violon de Corina Belcea dessine-t-il dans le Moderato con moto, avant que l’Allegro non troppo ne happe l’auditeur de son halètement rageur et poignant. Quant aux deux derniers mouvements enchaînés, la hauteur de vue des interprètes, l’intériorité à laquelle ceux-ci parviennent mettent le public en apnée. L’ombre de Beethoven plane sur la musique ...

Et celui-ci d’occuper la fin du concert avec son Quatuor n° 8 op. 59 n° 2 (le 2ème des trois « Razoumovski »). L’autorité, sans une once de pédanterie ou d’arrogance, de l’Allegro initial offre un parfait résumé d’un art du quatuor parmi les plus aboutis qui se puissent trouver aujourd'hui. A la respiration cosmique du vaste Molto Adagio succède la formidable énergie d’un scherzo qui fait danser les timbres avec les rythmes et, enfin, un Presto dont la formation assume avec jubilation la densité contrapuntique – sans oublier l’humour !
Longue ovation d’un auditoire sous le charme, que les musiciens gratifient de la Cavatine du 13ème Quatuor, d’une fusionnelle tendresse. Quand le style et le cœur ne font qu’un ...
 
Alain Cochard

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(1) www.concertclassic.com/article/knights-et-bertrand-chamayou-au-5eme-festival-de-paques-daix-en-provence-compte-rendu-une

Aix-en-Provence, Théâtre du jeu de paume, 21 avril 2017
 
Photo © Caroline Doutre

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