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Le Quatuor Béla au Festival de Quatuors du Luberon – L’amour du présent - Compte-rendu
Découvert par Hélène Caron-Salmona lors d’un concert à l’Institut du Monde Arabe, le Quatuor Béla a suscité un vrai coup de cœur chez une organisatrice qui ne pouvait envisager le Festival 2013 sans faire appel à eux. Il est vrai que, par-delà le niveau instrumental et la cohésion remarquable de l’ensemble, son répertoire, sa passion pour la musique du XXe siècle et la création (précisons que Frédéric Aurier est aussi compositeur), sa capacité à dialoguer avec des artistes venus d’horizons inattendus en font un ensemble unique en son genre, mu par un profond amour du présent.
Jouer la musique contemporaine est une chose, encore faut-il savoir la faire passer, la rendre accessible. Exemplaire, la démarche des Béla peut être donnée en modèle d’intelligente pédagogie. Concertino de Stravinski, Apostaseis d’Alexandros Markeas, Impressions d’Afrique de Frédéric Aurier, 7ème Quatuor de Chostakovitch et 2ème Quatuor de Ligeti : programme corsé il faut en convenir, mais précédée d’un court propos liminaire – à la fois accessible, précis, imagé et n’excluant pas des pointes d’humour - de tel ou tel des musiciens, chacune des œuvres s’offre dans les meilleures conditions. Confiant, l’auditeur s’y embarque, comme s’il s’agissait d’écouter Haydn ou Beethoven ; ce d’autant plus aisément que l’interprétation se situe au meilleur niveau.
Dense mais sans opacité et animé d’une énergie de couleur très « Histoire du Soldat », le rare Concertino de Stravinski ouvre la soirée en beauté. On suit avec bonheur les Béla dans l’ouvrage de Markeas, écrit en hommage à Iannis Xenakis, dont la matière sonore palpite avec une précision dénuée de sécheresse. Et quel sens de la couleur anime les 2ème et 4ème parties des belles Impressions d’Afrique de Frédéric Aurier dont les interprètes s’approprient avec feu les timbres et les rythmes entêtants.
Ecrit à la mémoire de Nina, première épouse de Chostakovitch, la 7ème Quatuor est un opus a la fois représentatif de l’esthétique du musicien et singulier par sa brièveté et les points d’interrogation qu’il se plait à semer. Elliptisme, mordant, ferveur contenue (quel Largo !) : les Béla sont au cœur de la musique ; l’émotion s’exprime pleinement, jamais forcée.
2ème Quatuor de Ligeti : les interprètes ont gardé l’une de leurs œuvres fétiches pour la fin. C’est n’est qu’au prix d’une longue familiarité avec un ouvrage aussi complexe que l’on peut parvenir à une telle exécution. Totalement dominée, la mécanique de précision que constituent les cinq sections enchaînées de cette partition contrastée ouvre la porte sur une véritable aventure sonore et poétique : bonheur pur que de s’y laisser entraîner par un ensemble qui aborde cette musique avec forme d’évidence émerveillée. « Ce programme me faisait un peu peur, mais que suis heureuse d’être venue », me confie une auditrice au sortir du concert, avec un sourire qui en dit long sur la réussite des interprètes…
Un enregistrement des deux Quatuors de Ligeti (complétés par la Sonate pour violoncelle seul) par le Quatuor Béla est annoncé pour l’automne chez Aeon ; on le guette avec impatience !
Alain Cochard
Roussillon, église, 22 août 2013
Site du Quatuor Béla : www.quatuorbela.com
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Photo : © Jean-Louis Fernandez
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