Journal

Le London Symphony Orchestra sous la direction de François-Xavier Roth à la Philharmonie de Paris - Éloquentes confrontations - Compte-rendu

François-Xavier Roth aime à mettre en miroir des œuvres contemporaines entre elles mais d’esthétiques dissemblables, sinon opposées. On se souvient ainsi du concert qui faisait cohabiter la Symphonie de Franck et le Première Symphonie de Mahler, créées exactement la même année, en 1889 (1). Cette fois-ci, toujours dans la grande salle de la Philharmonie de Paris, c’est le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy (créé le 22 décembre 1894), qui accompagne le Concerto pour violoncelle de Dvořák (écrit entre 1894 et 1895, créé le 19 mars 1896) et Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss (composé en 1896 et créé le 27 novembre de la même année). Ou une œuvre emblématique du renouveau de la musique française dans une esthétique symboliste et impressionniste, une page obligée du répertoire pour violoncelle de la période américaine d’un compositeur tchèque dans un néo-classicisme qui hérite de Brahms, et un poème symphonique empreint des débordements de l’esprit postromantique tel qu’il prévalait alors en Allemagne. Autant dire des œuvres que tout diffère…

François-Xavier Roth et le London Symphony Orchestra

Le London Symphony Orchestra est cette fois à l’œuvre, une phalange de renommée mondiale dont les vertus de ductilité et de souplesse sont ici plus que jamais manifestes. Roth, chef invité principal de l’orchestre depuis la saison 2017-2018 (en sus, entre autres, du poste de Generalmusikdirektor de la ville de Cologne et de la responsabilité de l’orchestre Les Siècles…), mène ses troupes avec la ferveur qui le caractérise, pour un résultat contrasté mais néanmoins d’une égale tension. Le Prélude de Debussy s’expose de ses couleurs diaphanes évanescentes, avec sa flûte enchanteresse telle un air de colorature. Le Concerto de Dvořák surgit alors presque en opposition, déroulant sa facture franche et son impétuosité nerveuse. Le violoncelle soliste revient à Jean-Guihen Queyras, avec ce talent de la texture délicate, cette virtuosité sobre et sereine (tout à fait dans l’esprit de cette œuvre volontairement dépourvue de cadence), quasi chambriste, qu’on lui connaît et qui s’accorde judicieusement à la fougue maîtrisée de l’orchestre. Une Sarabande, venue de la Première Suite de Bach, ne fera que confirmer en bis ces transmissions toutes d’intériorité.
 
Et c’est alors le Zarathoustra de Strauss, éclatant dans son introduction (reprise en bis, pour les nostalgiques du 2001 de Stanley Kubrick), puis discursif mais sans pathos, entre forte fracassants et pianisimmo imperceptibles, dans la tempête d’une houle éternellement recommencée. Un renouvellement d’une œuvre que l’on croyait rabâchée, mais ici transfigurée comme – veut-on croire – au premier jour. Roth, une fois encore au sommet, recueille en toute justice les applaudissements nourris du public d’une salle comble et… des musiciens de l’orchestre.
 
Pierre-René Serna

(1) Voir notre compte-rendu : www.concertclassic.com/article/franck-et-mahler-par-lorchestre-les-siecles-la-philharmonie-de-paris-flammes-et-poesie
 
Philharmonie de Paris, Grande Salle Pierre Boulez, 20 novembre 2018.

Partager par emailImprimer

Derniers articles