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Le Festival d’Aix-en-Provence orphelin de Pierre Audi

Âgé de 67 ans, Pierre Audi est mort d’une crise cardiaque au matin du 3 mai à Pékin où il travaillait sur la reprise de ses mises en scène de Siegfried et du Crépuscule des dieux . Il était, entre autres, le directeur général du Festival d’Aix-en-Provence depuis septembre 2018, après avoir été choisi pour succéder à Bernard Foccroulle.
Pierre Audi avait construit une édition 2025 « sous le signe de la mutabilité inéluctable de toute chose comme la perpétuelle réinvention de soi. » Puis reprenant à son compte les propos d’Ovide dans ses Métamorphoses – « Il n’y a rien de stable dans l’univers, tout passe, toutes les formes ne sont faites que pour aller et venir… » – il consignait ces réflexions dans le premier paragraphe de son document de présentation du programme qui sera donné dans deux mois à Aix-en-Provence. Des lignes qui prennent aujourd’hui une puissance et un sens particuliers avec sa disparition soudaine.
Né le 9 novembre 1957 à Beyrouth, Pierre Audi a étudié à Oxford avant de créer, en 1979 à Londres, l’Almeida Theatre et son festival de musique contemporaine, qu’il dirige jusqu’en 1989. Nommé directeur artistique de l’Opéra d’Amsterdam, où il réalise la plupart de ses mises en scène, il restera trente ans à ce poste avant de prendre la direction générale du Festival d’Aix-en-Provence.
Depuis 2015, il était également directeur artistique du Park Avenue Armory à New York. Pierre Audi avait pris ses fonctions à Aix-en-Provence non sans avoir affirmé haut et fort que la musique était multiple et qu’il entendait la proposer en Provence sous toutes ses facettes. Il lui a fallu traverser dès sa prise de fonction, les errements liés à la pandémie. Puis il lui a fallu gérer les séquelles du covid, mais aussi d’une conjoncture économique marquée par les conflits géopolitiques. Ce qu’il est parvenu à faire en restant fidèle à ses choix stratégiques, soutenu par les institutions et les partenaires du Festival.
Quatre siècles de musique vivante
Au fil de ses programmations, Pierre Audi est arrivé à faire vivre quatre siècles de musique, à l’image de ses productions récentes : la création de L’Apocalypse arabe de Odeh-Tamimi et Il ritorno d'Ulisse in patria au Festival d’Aix-en-Provence. Sa programmation 2025 (1) témoigne encore de sa constance intellectuelle avec un ouvrage baroque, La Calisto de Cavalli, Mozart incontournable à Aix-en-Provence avec Don Giovanni, une ouverture sur le « roman musical » français avec Louise de Charpentier, et deux créations mondiales The Nine jewelled Deer (Silan Eldar – Ganavya Doraiswamy) et « The Story of Billy Budd, sailor » d’après Britten, Les Pêcheurs de perles et La Force du destin complétant en versions concertantes la programmation.
Un festival en prise avec son territoire
L’une des volontés affirmées par Pierre Audi était que le festival « se montre plus que jamais en prise avec son territoire. » Ainsi, cette année, des « partenariats d’excellence » ont été concrétisés avec LUMA Arles, les opéras de Toulon et Grand Avignon, les Chorégies d’Orange et Les Théâtres. Une osmose indispensable avec un territoire géographiquement voisin d’Aix-en-Provence, mais aussi avec le bassin méditerranéen dont il était un enfant et dont les préoccupations le touchaient. Pour l’équipe du Festival d’Aix-en-Provence qui œuvrait à ses côtés, « Le monde de la création artistique perd un immense artiste et directeur d’institution, citoyen du monde à la croisée des cultures méditerranéennes et occidentales. »
Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence, tenait à souligner samedi soir : « Aix perd un de ses plus grands créateurs. Metteur en scène visionnaire, bâtisseur, il a insufflé une audace artistique rare, une exigence constante et une élégance magnifique. Pierre Audi avait ce génie singulier; faire vivre l’opéra entre tradition et modernité, sans jamais en trahir l’esprit. Chaque saison, qu’il concevait, était un acte d’amour pour l’art et pour le public. Il était un directeur du Festival extrêmement talentueux et d’une sensibilité exceptionnelle. »
Le chemin de Pierre Audi vient de s’arrêter, brutalement. Dans deux semaines les répétitions vont débuter du côté du Théâtre de l’Archevêché. Depuis la fenêtre de son bureau, personne ne regardera les décors se mettre en place, les machinos s’activer et les artistes arriver aux répétitions piano… Une absence cruelle que l’équipe dont s’était entouré Pierre Audi devra pallier.
Michel Egéa

(1) Festival d’Aix-en-Provence 2025
Du 4 au 21 juillet 2025
festival-aix.com/
Photo © Sarah Wong
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