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Le Duo Berlinskaïa-Ancelle et l’Ondif au Piano-Piano Festival de Rungis 2022 – Concerto retrouvé – Compte-rendu
Cinq jours durant, le répertoire pour deux pianos et à quatre mains a été à l’honneur grâce au Piano-Piano Festival, manifestation unique en son genre en France que le Duo Berlinskaïa-Ancelle (photo) a lancé en 2020 à Rungis. Malgré la crise sanitaire, leur projet a su se développer et trouver son public, grâce à une programmation intelligemment variée.
Arthur Ancelle & Ludmila Berlinskaïa © Nathanael Charpentier
A chaque édition sa soirée symphonique, en compagnie de l’Orchestre national d’Île-de-France, fidèle depuis le départ. Après Mozart et Poulenc en 2020, Mendelssohn l’an dernier, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle se sont permis un choix infiniment plus audacieux cette année en élisant le 2e Concerto pour deux pianos de Victor Babin (1908-1972), donné en création française. On se souvient d’abord de ce musicien en tant que membre d’un des plus fameux duos de piano du XXe siècle, qu’il forma avec son épouse Vitya Vronsky (1909-1992), rencontrée dans la classe de Schnabel à Berlin. Exilés aux Etats-Unis après l’arrivée pouvoir d’Hitler, les deux pianistes furent admirés et encouragés par Serge Rachmaninoff – excusez du peu ! – et entamèrent une très belle carrière qui se prolongea jusqu’à la disparition de Victor Babin au début des années 1970.
Babin avait vu le jour en 1908 à Moscou ; l’imprégnation précoce de la musique russe se fait sentir dans une partition datée de 1956, en quatre mouvements (Moderato / Molto vivo e ben ritmico / Molto sostenuto, intimo e calmo / Finale alla Fuga-Allegretto con spirito), d’une durée de vingt-cinq minutes environ. Un concerto oublié qui mérite pleinement la redécouverte car si l’auteur se situe dans filiation de Prokofiev principalement, mais fait aussi sentir certains apports de Chostakovitch et de Stravinski, son écriture montre une pleine assimilation de ces diverses influences et ne procède jamais à des citations.
Georg Köhler © DR
Et quelle connaissance du piano et de la relation entre les deux instruments – envisagée de manière très équilibrée de la part de Babin – y découvre-t-on, d’autant mieux mises en valeur lors du concert de Rungis que la partition résonne sous les doigts d’un authentique duo capable de saisir des mécanismes internes que des pianistes réunis juste pour l’occasion n’eussent sans doute pas restitués d’aussi vivante façon.
Plus de temps de répétition avec Georg Köhler et les musiciens de l’Ondif aurait permis des tempos plus rapides dans les deuxième et quatrième mouvements mais, en l’état, le résultat s’avère plus que convaincant. Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle se sont pris de passion pour l’ouvrage et le restituent dans toute sa richesse, ici sombre et fataliste, là d’une virtuosité mordante ou ludique. Belle découverte, qui mériterait amplement de trouver un prolongement en studio d’enregistrement !
En seconde partie, l’inoxydable Symphonie « Pathétique » de Tchaïkovski trouve en Georg Köhler un interprète sobre. L’acoustique assez sèche de la salle fait hélas perdre certaines nuances de timbre mais on est toutefois séduit par un finale où le jeune chef rejette tout larmoiement facile au profit d’une conception extrêmement fataliste et prenante.
Duo Alaimo © Nathanaël Charpentier
Le Piano-Piano Festival 2022 aura été, comme les deux précédents, l’occasion de faire place à de jeunes talents. La soirée avec l’Ondif a ainsi débuté à quatre mains avec un duo italien formé de sœurs jumelles : Chiara et Fiona Alaimo, dont la formation, ces deux dernières années, s’est déroulée à l’Ecole Normale de Musique-Alfred Cortot (où elles ont obtenu leur Diplôme supérieur de concertiste en duo il y a quelques mois). La Rhapsodie hongroise n° 2 de Liszt, arrangée à quatre mains par Richard Kleinmichel et Franz Bendel, les montre distillant couleurs et harmonies dans une complice entente.
Enfin, si vous êtes amateur de répertoire à deux pianos, notez la date du 16 novembre, qui verra le Duo Berlinskaïa-Ancelle se produire au Studio de la Philharmonie dans des transcriptions de pages de Tchaïkovski, Rachmaninov, Rimski-Korsakov, Borodine, Stravinski et Tsfasman. (1)
Alain Cochard
(1) philharmoniedeparis.fr/fr/activite/recital-piano/24400-transcriptions
Rungis, Théâtre, 29 septembre 2022
Photo © Nathanael Charpentier
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