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Le Disque de la Semaine – « Les Chants de l’Âme » d’Olivier Greif par Marie-Laure Garnier (B Records) – Compte-rendu

2020, année Beethoven certes, mais aussi année Olivier Greif, précocement disparu le 13 mai 2000 à l’âge de 50 ans. Grâce à l’action de l’Association Olivier Greif (1), bien des événements ont été prévus pour ce 20e anniversaire, hélas rendus impossibles s’agissant de ceux du printemps par la crise sanitaire. Il en reste heureusement encore beaucoup de programmés jusqu’au mois de décembre (1), qui offriront autant d’occasions aux mélomanes de mieux cerner la personnalité d’un créateur que Michel Dalberto résume parfaitement lorsqu’il évoque « un homme au besoin d’absolu et à la personnalité aussi fascinante et extraordinaire que la musique qu’il a composée. ».
 

 

The Tyger (ext.) - Les Chants de l'Âme n° 1

On ne saurait imaginer meilleure introduction à son art que ses Chants de l’Âme dont deux jeunes artistes, la soprano Marie-Laure Garnier (photo) et le pianiste Philippe Hattat, signent une version d’exception. Il ne faudrait surtout pas que l’actualité récente fasse oublier un tel disque (sorti en janvier) : une grande interprétation certes mais, plus encore, une rencontre, d’une évidence absolue, entre une voix et une partition, captée lors de l’Eté musical de Deauville 2019. (2)
 

Death, be not proud (ext.)- Les Chants de l'Âme n° 3

Composés entre 1979 et 1995, In memoriam Benjamin Britten / Pour Brigitte François-Sappey, les Chants de l’Âme furent initialement destinés à Jessye Norman et c’est finalement avec Jennifer Smith que le compositeur en donna la création à Paris, salle Gaveau, en 1996. Des poèmes de William Blake, George Herbert, John Donne, Thomas Carew, Henry Vaughan et Henry King ont fourni à Olivier Greif la matière d’un cycle de neuf mélodies, d’une noirceur lumineuse peut-on dire. La mort y est en effet omniprésente, mais contrebalancée, défiée et surmontée – le Peace conclusif en témoigne –  par la foi d’un musicien qui, dans une lettre daté de 1996 confiait : Curieusement, les Chants de l’Âme ont toujours été, dans mon esprit, comme un hommage – plus ou moins confidentiel – au Christ, du moins placés sous le patronage de sa figure tutélaire. »
 

Marie-Laure Garnier & Philippe Hattat © Cédric Martinelli
 

Peace (ext.)- Les Chants de l'Âme n° 3

« Une sorte de rite initiatique », dit fort justement Philippe Hattat des Chants de l’Âme. L’auditeur est d’autant plus saisi que Marie-Laure Garnier possède l’étendue, la richesse de matériau (pour la raucité de Tyger comme pour la radieuse pureté de Peace), la mobilité et la souplesse requises face aux soudains contrastes de l’écriture, mais plus encore – en mélodiste d’exception qu’elle est – une intelligence poétique et un art du mot aussi vécu que naturel.
A ses côtés, Philippe Hattat rend parfaitement justice à la partie de piano, complexe et signifiante, et sait offrir à sa partenaire des couleurs et des arrière-plans qui font de leurs Chants de l’Âme une expérience proprement bouleversante.
 

Les Trottoirs de Paris (ext.)

En complément de programme, Les Trottoirs de Paris, bref ouvrage de 1996 pour soprano, ténor et piano sur un texte d’Yves Petit de Voize, ici défendu par Clémentine Decouture Paco Garcia et P. Hattat, offre une pittoresque promenade nocturne dans la capitale, de Montmartre à Ecole Militaire en passant par Nation, avant que D’une douleur muette, pièce pour soprano, violoncelle et piano écrite en 2001 par Thierry Escaich sur un texte d’Yves Petit de Voize, ne termine, confiée à M.-L. Garnier, Yan Levionnois et P. Hattat. Prenant et troublant hommage à l’ami disparu  ....

Alain Cochard

(1) www.oliviergreif.com/

(2) 1 CD B Records LBM 024

@ Cédric Martinelli

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