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Le Barbier de Séville à l’Opéra Bastille - Enivrant - Compte-rendu

Dés l’ouverture on sait que la soirée sera gagnante. Ce jeu sur les pointes, ce sourire allusif, c’est Rossini chez Mozart, affinité élective qu’on oublie trop Le premier triomphateur du plus parfait Barbier de Séville qu’on ait vu est donc d’abord Marco Armiliato, qui mène cette folle journée avec une élégance et une vitalité étourdissante.

Son orchestre-champagne entraîne un plateau brillantissime, où tous font la comédie alerte, fine, subtile même lorsque Coline Serreau tire ses ficelles un peu grosses – le ballon pour les vocalises de l’air final de Lindoro qui déclenche un tsunami de rires dans Bastille, couvrant hélas les pyrotechnies de l’inusable Antonio Siragusa. On peut ne pas goûter son timbre très dans le masque, on doit rendre les armes devant la pure virtuosité et surtout l’art : pianissimi éthérés de la Sérénade, appui tranchant des mots, cet Almaviva là est aujourd’hui sans égal.

Tout comme le Figaro de Tassis Christoyannis qui vaudrait à lui seul l’effacement de la dette de ses concitoyens : son baryton dense projette avec éclat, le style est pur et l’acteur s’éclate, composant un personnage virevoltant, irrésistible. Karie Deshayes rayonne en Rosine, bien plus à l’aise ici, pour la tessiture comme pour l’art, qu’en son Angelina. Mutine ou élégiaque, volontaire toujours, elle darde ses vocalises et ne fait qu’une bouchée des pièges que lui tend Rossini.

Le duo des basses est sidérant de présence : la Calomnie selon Carlo Cigni fait des frissons dans le dos - voix de loup -, le métal de Maurizio Muraro donne à Bartolo une dimension qui excède le côté buffo du caractère. Faut-il revenir sur le total délire de la Berta de Jeannette Fischer ? Décidément Coline Serreau a bien eu raison de lui rendre son air. On sort de Bastille un peu chancelant, retrouvant la sensation première que tout Barbier devrait délivrer : l’ivresse.

Courrez goûter à ce formidable flacon avant qu’on ne le rebouche ; il ne vous reste plus que deux représentations…

Jean-Charles Hoffelé

Rossini : Le Barbier de Séville - Paris, Opéra Bastille, 25 juin, prochaines représentation les 28 juin et 2 juillet 2012
www.operadeparis.fr

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Photo : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber
 

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