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Le Ballet Preljocaj à l’Opéra de Paris - Secouant - Compte-rendu

Stockhausen, génie, soit...Mais pas forcément pour Helikopter, où en 1993, il projetait ses musiciens (quatuor à cordes) à bord de quatre hélicoptères avant de les ramener dans la salle pour converser avec le public. Assourdissante, la « performance » implique de venir au concert équipé de bouchons d’oreille, comme le font d’ailleurs les spectateurs des concerts de Hard rock ou de Trash metal. Mais du moins, ils sont prévenus. Pas forcément le public de l’Opéra, pour averti qu’il soit de la modernité d’Angelin Preljocaj, lequel l’a mis en gestes en 2001. Ce qui n’enlève rien à la performance paradoxalement très subtile qu’il obtient de ses danseurs, intégrés et portés par ce tintamarre massacrant, que nombre de spectateurs ont subi les mains bloquées sur les oreilles, pendant 35 minutes.

Le chorégraphe est provocateur, et pour ce passage à l’Opéra, dont il est un des invités de prédilection, ce n’est certes pas son aspect le plus abordable qui a été choisi. Violence, pulsions débridées, mais admirablement coordonnées dans leur apparent chaos, sous-tendent cette folle équipée sonore qui montre les six danseurs comme littéralement habités par les vrombissements de l’hélicoptère et les glissandi du Quatuor Arditi, lequel a enregistré la bande sonore. Ils portent ce pari avec une formidable fureur de danser, et la compagnie confirme ses époustouflantes qualités. Mais quel enjeu démesuré que celui de Preljocaj, lequel ne supporte vraiment aucune barrière.

Pour la seconde partie du programme, saut dans le vide : on se retrouve dans un monde apaisé, où la frénésie gestuelle fait place à une harmonie suspendue de quasi-divinités flottantes, qui se frôlent et se mêlent avec une lenteur envoûtante. Les pas de deux se déroulent sur un axe sinusoïdal mouvant, ondulent comme feuilles au vent, ou portés par un érotisme un rien psychédélique, autre constante chez Preljocaj. Cet Eldorado, peuplé de silhouettes qui descendent de stalles lumineuses où une sorte de mandorle les met en gloire, avant de s’y fondre à nouveau, le chorégraphe l’a emprunté, là encore, à Stockhausen avec Sonntags-Abschied, autre jalon d’une admiration réciproque, interrompue par la mort du compositeur en 2007. On baigne dans une lumineuse innocence. Après l’Enfer d’Helikopter, le Paradis. Angelin Preljocaj n’est jamais là où on l’attend. En fait il ne cesse d’étonner.

Jacqueline Thuilleux

Ballet Preljocaj - Paris, Palais Garnier, 8 janvier 2013

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Photo : Laurent Philippe / Opéra national de Paris
 

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