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L’arche de Noé de Benjamin Britten au théâtre de Caen - Un déluge de talents – Compte-rendu

En 1957, alors que Pierre Boulez travaille à la révision du Marteau sans maître et que Leonard Bernstein achève West Side Story, Benjamin Britten écrit un petit opéra dans une forme dont il a le secret et le goût. Il s’agit de Noye's Fludde (L’arche de Noé, littéralement L’inondation de Noé). Cette œuvre atypique vient d’être donnée au théâtre de Caen avec un très grand succès fort mérité. Olivier Opdebeeck, le chef enthousiaste de la Maîtrise de Caen, a réuni autour de lui ses jeunes chanteurs, deux solistes professionnels, l’Orchestre régional de Normandie, l’Orchestre pédagogique du Conservatoire de Caen et des élèves de la classe de danse de ce même conservatoire. Un plateau impressionnant auquel il faut ajouter un autre chœur : le public lui-même.
 
© Philippe Delval – théâtre de Caen

Comme l’a expliqué Olivier Opdebeeck avant le début de la représentation, « non content d’être un grand compositeur, Britten avait une fibre sociale. Il voulait que tout le monde participe à son opéra ». Les spectateurs sont invités à chanter à trois reprises et pour que la réussite soit totale, la soirée a donc commencé par une courte et joyeuse répétition. La participation de la foule est l’une des originalités de cette œuvre (Britten l’avait déjà testé 10 ans plus tôt dans sa cantate Saint-Nicolas), mais ce n’est pas la seule. En plus des deux chanteurs professionnels, le baryton Jean-Christophe Lanièce (Noé) et la mezzo-soprano Anne-Lise Polchlopek (madame Noé), excellents musicalement et théâtralement, les autres rôles sont confiés à 12 jeunes solistes amateurs. Les membres de la Maîtrise de Caen ont pu démontrer leur très haut niveau technique – interpréter Britten peut être d’une grande difficulté quand on a une dizaine d’années – et de grandes qualités artistiques.
 

Jean-Christophe Lanièce (Noé) © Philippe Delval – théâtre de Caen

Dans la fosse, Olivier Opdebeek dirige avec précision et goût un ensemble aux timbres colorés. En plus des cordes, l’orchestre est composé de timbales, bugles, flûte bec, piano à 4 mains et même d’un orgue. Cette diversité permet de donner à voir en musique la construction de l’arche, la marche des animaux, la querelle entre Noé et sa femme et bien sûr la tempête.
Spectacle complet à tout point de vue, cette production (1) – en français – transpose l’histoire de nos jours, à une époque où la sauvegarde de la planète est un sujet d’inquiétude quotidien. Benoît Bénichou doit être félicité pour sa mise en scène inspirée ; chaque tableau est d’une grande fluidité et il faut beaucoup de soin et d’inspiration pour occuper l’immense plateau du théâtre de Caen. La scénographie mêle un décor, évoquant une serre, et des projection vidéo, à l’avant-scène, commentant l’action. Enfin, le rôle (parlé) de Dieu est tenu par trois jeunes rappeurs, clin d’œil facétieux et séduisant pour le jeune public. Et pour les plus grands comme moi aussi, finalement.

Signalons enfin que les deux derniers rendez-vous de la saison avec la Maîtrise de Caen (2), à l'église Notre-Dame de La Gloriette, se tiendront lieu les 11 juin (Cantate BWV 173 de Bach) et 18 juin (Chichester Psalms de Britten). Quant au jeune public, il est décidément gâté au théâtre de Caen puisque, peu après L'arche de Noé, un merveilleux programme "Sorciers, sorcières" l'attend le 8 juin, confié à l'orchestre Les Siècles et François-Xavier Roth

 
Thierry Geffrotin

(1) Production du théâtre de Caen, en partenariat avec le Pôle Voix et Répertoire de la Fondation Royaumont.

(2) theatre.caen.fr/spectacle/les-auditions-de-la-maitrise-0

(3) theatre.caen.fr/spectacle/sorciers-sorcieres

 Britten : Noye's Fludde /L’arche de Noé – Caen, Théâtre, 1er juin 2022  

Photo © Philippe Delval – théâtre de Caen

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