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Lakmé à l’Opéra Comique - Un diamant nommé Devieilhe - Compte-rendu

L’Opéra Comique en a vu passer des Lakmé, depuis la millième assurée en 1931 par la délicieuse Leila Ben Sedira, puis après-guerre avec un aplomb sidérant par Lily Pons et tout au long des années cinquante par une Mado Robin anthologique, mais dont la Lakmé a fini par être réduite à l’Air des clochettes. Depuis Robin le rôle, du moins en France, avait décliné ; Mady Mesplé, vinaigrée, Natalie Dessay y venant déjà un peu tard. On avait cherché notre Lakmé outre-Hexagone, et on l’avait trouvée dans le grand bel canto de Mariella Devia. Une leçon de chant pur doublé d’une incarnation saisissante.

C’est dire si l’on allait à Favart curieux d’y retrouver son autre œuvre emblème avec Pelléas qui y reprend l’affiche bientôt (1). Dès les premières notes distillées en coulisse par Sabine Devieilhe on était conquis. Cette fragilité du timbre, cette perfection vocale touchante, jamais réduite à la technique, la couleur d’ambre du medium, les aigus laiteux, quel enchantement ! Et dès le duo avec Malika – Elodie Méchain, parfaite d’attention, offrait en miroir le même exemple de beau chant – on savait que Sabine Devieilhe était absolument Lakmé, probablement autant que Mariella Devia et en des termes certainement plus subtils, de pur bel canto, mais surtout d’incarnation : au III elle était simplement bouleversante.

Pour un tel diamant, Favart a assemblé un écrin inégalé. Frédéric Antoun met son timbre juvénile et si masculin pour le plus ardent des Gérald, Jean-Sébastien Bou campe un Frédéric bon garçon avec dans la voix comme un souvenir de Bernard Kruysen, baryton-martin absolu. Le Nilakhanta admirablement graphique de Paul Gay est un modèle, et le trio féminin (Hanna Schaer, Marion Tassou, l’excellente Roxane Chalard) brille par la musicalité et l’intelligence, qui sont aussi l’apanage de la régie sans histoire de Lilo Baur, qui n’élucubre jamais et suit très attentivement les didascalies, jouant la pièce plutôt que la réécrivant.

Et l’orchestre ? François Xavier Roth et ses Siècles (2) ont fort à faire devant les subtilités et la poétique dont l’a paré Delibes. Sans trop en savourer les enivrantes épices, ils se concentrent sur le drame, le faisant un peu trop sonore, envers d’une démarche philologique qui reste louable.

A vos postes, France Musique diffuse en direct la représentation du 18 janvier !

Jean-Charles Hoffelé
 
(1) Du 17 au 25 février 2014 : http://www.concertclassic.com/concert/pelleas-et-melisande-de-claude-debussy-1

(2) François-Xavier Roth et Les Siècles viennent de consacrer leur nouvel opus discographique à Paul Dukas : L’Apprenti Sorcier bien entendu, Polyeucte, et une révélation en première mondiale, la cantate Velléda restituée par les équipes du Palazzetto Bru Zane (1 CD Musicales Actes Sud)
 
Leo Delibes : Lakmé - Paris, Opéra comique, 12 janvier, prochaines représentations les 14, 16, 18 et 20 janvier 2014 / Retransmission en direct sur France Musique, le 18 janvier à 20h

Photo : © Marc Vanappelghem

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